L'arrivée d'une femme d'origine française au sein du gouvernement, une première en Norvège , a fait des remous vendredi dans le
pays scandinave, la frange populiste de l'opposition s'inquiétant qu'un ministère soit confié à une personne "loyale à une puissance étrangère".
Native de la Martinique, Manuela Ramin-Osmundsen a été nommée jeudi ministre de l'Enfance et de la Parité au sein du gouvernement de centre-gauche norvégien, une petite révolution dans un pays qui n'a jamais eu de ministre de couleur ni d'origine étrangère jusqu'alors.
"Je suis fier d'être à la tête d'un gouvernement qui comprend pour la première fois une ministre d'origine étrangère", a déclaré le Premier ministre travailliste Jens Stoltenberg en annonçant la nomination de Mme Ramin-Osmundsen.
Cette annonce a toutefois déplu au parti du Progrès, la principale formation d'opposition, située à droite de la droite, qui a mis en cause les compétences et la loyauté de l'intéressée.
Vivant en Norvège depuis 1991, Mme Ramin-Osmundsen y a brièvement été directrice de l'Office national de l'immigration (UDI), un poste qu'elle a dû quitter en mai 2006, après quelques semaines seulement, à la suite d'une affaire de permis de séjour accordés à des Kurdes irakiens en violation des instructions du gouvernement, celui-là même qu'elle vient d'intégrer.
"Elle n'a pas été capable d'être une bonne dirigeante à la tête de l'UDI, et on voit difficilement comment elle pourrait l'être à la tête d'un ministère", a réagi Per Willy Amundsen, un responsable du parti du Progrès (FrP), sur les ondes de la radio NRK.
Favorable à une politique restrictive d'immigration, exhalant parfois des relents de xénophobie mais récusant toute analogie avec le Front national français, le FrP a dit réfléchir au dépôt d'une motion de défiance au Parlement, où il dispose de 38 sièges sur 169.
Rappelant que Mme Ramin-Osmundsen s'était déclarée loyale à la fois à la Norvège et à la France l'an dernier, M. Amundsen a aussi estimé "un peu spécial" qu'un ministère soit attribué à une personne "qui se dit loyale à une puissance étrangère".
"Ma loyauté va à la Norvège . Ce que j'ai dit auparavant l'a été alors que j'étais citoyenne française. Point final", a répliqué Mme Ramin-Osmundsen.
La juriste de 44 ans a déclaré avoir obtenu la nationalité norvégienne il y a deux semaines et avoir renoncé par la même occasion à la nationalité française, la Norvège n'autorisant pas la double nationalité en cas de naturalisation.
"J'ai rendu mon passeport français", a-t-elle dit à l'AFP. Un autre élu d'origine étrangère, Mubashar Kapur, membre du conseil
municipal d'Oslo pour le parti conservateur, s'est lui aussi élevé contre la désignation de Mme Ramin-Osmundsen.
"Elle est un faux alibi ethnique pour le gouvernement", a-t-il déclaré à l'agence norvégienne NTB. "Elle est norvégienne depuis deux semaines, elle n'a pas grandi ici et elle ne connaît pas de près les problèmes des minorités ethniques", a-t-il ajouté.
Mais son parti et le parti démocrate-chrétien, autre formation de l'opposition, ont tous deux exclu de voter une éventuelle motion de défiance.
La presse, elle, était unanimement positive. Le quotidien de référence Aftenposten évoquait "un jalon dans l'histoire politique de la Norvège ",
soulignant que les gouvernements norvégiens avaient jusqu'à présent échoué à refléter la diversité de la société.
A son poste qui couvre aussi la lutte contre les discriminations, Mme Ramin-Osmundsen aura pour homologue, dans la Suède voisine, Nyamko Sabuni, une immigrée d'origine congolaise nommée ministre de l'Intégration il y a tout juste un an.