Pourquoi ce livre ne reçoit pas d’écho en #Martinique? Sa gouvernance empreinte de vérités effraie ?
Pourtant à l’heure de nous-mêmes où Manuel #Valls parle d’#apartheid, il est le bienvenu dans l’île des bâtisseurs de paradoxes.
» Cet ouvrage entend exhumer une réalité taboue au travers d’une fonction sociale intermédiaire : le rôle des Noirs eux-mêmes dans le maintien de l’ordre esclavagiste et colonial ; ainsi que les circuits sociaux de la reproduction de cette « zone grise » jusqu’à aujourd’hui. D’où le fil directeur de cet ouvrage fondé sur la notion de tripartition : partir des structures socio-raciales de l’Ancien Monde (békés/mulâtres/nègres), et plus particulièrement des rapports de force physiques entre colons, serviteurs et colonisés, pour suivre les transformations progressives de cet ordre relationnel jusqu’à aujourd’hui. Grâce à l’étude fine des représentations des acteurs et notamment des musées, il est possible de lire très distinctement ces jeux d’obédience à l’ordre néo-colonial français : derrière le bruit d’un discours identitaire écran, on repère le travail persistant des mulâtres destiné à dissoudre les traces de leurs actions passées, à brouiller les jeux d’alliances entre élites issues du système colonial, et à légitimer leur pouvoir actuel ainsi que leur prétention à parler au nom du peuple noir. »
Extraits de l’introduction.
…. Réduire « la culture noire » à la langue, la religion, la musique ou l’oralité, les surdimensionner par rapport à leur ancrage réel, c’est confiner l’analyse du pouvoir à la seule question des conflits entre les « races » liés aux rapports coloniaux binaires entre les colons européens et les colonisés noirs, retranchés de la sorte dans leurs référentiels « culturels ». Ce culturo-racialisme fait oublier les rapports socio-raciaux qui clivent les relations entre les Noirs eux-mêmes. Il enchante la vision « culturelle » d’une entité homogène « noire », hors les fabrications multiples de segments dans les champs du pouvoir : l’économique, le politique et le symbolique…….. Ce culturo-racialisme populiste et nationaliste s’appuie donc essentiellement sur l’analyse des groupes populaires, omettant d’objectiver la place des élites noires – sauf à les spécifier uniquement du côté des intellectuels et de la littérature – dans une société où leur résistance n’est certainement pas la donnée première de leur mode de fonctionnement……. C’est la structure des groupes sociaux pris dans des enjeux et des effets de pouvoir qu’il faut étudier. Au lieu de penser le milieu local en externalisant d’emblée la causalité (les pratiques coloniales du Blanc colon migrant, de l’Etat français et de la traite internationale), offrant un panorama social somme toute proche du modèle binaire abstrait colons/colonisés, l’entreprise engagée dans ce livre vise à disséquer les relations entre les groupes sociaux locaux dans un cadre colonial global….. Notre but n’est pas de rechercher ce qui reste d’Africanité dans le Martiniquais ou même de créolité, mais de trouver des indices, micro comme macro, d’une forme ancienne locale de « vie sociale totalitaire » qui continue de travailler le « groupe des Noirs » dans le sens d’effets de division durables.
… Le colonial, c’est d’abord un système organisé, localisé, très concret, de la surveillance, de l’intimidation, de la manipulation, de la menace, de la pression, de l’éviction et de la reddition, avec ses acteurs, ses dispositifs de savoir-pouvoir, ses formes de gouvernementalité locales, ses formes d’attachement, ses interactions et ses corps noués, interdépendants et souffrants.
Bien sûr, un tel système n’aurait jamais pu fonctionner sans un appareillage de gratifications. Justement, en important le concept de zone grise, il est possible de montrer que ce type de sociation paranoïaque nécessite de juguler la menace de l’esclave en inventant une contrainte présente au plus près de son corps. Contrainte portée par une fraction des esclaves qui seront rétribués. Le colonialisme plantationnaire suppose, dans son exercice même, une forme institutionnalisée de paiement de « traîtres » au sein d’un ordre économico-politique de services rendus pour le profit colonial des possédants. Nous sommes loin du tambour, de la religion ou de l’oralité…… A la Martinique, on passe ainsi d’une extrême visibilité des Libre de couleur ou des Mulâtres à une totale invisibilité sociodémographique au XXe siècle. On verra que celle-ci s’appuie aussi sur une construction de l’amnésie des pouvoirs coloniaux et du brouillage de cette disposition à fonctionner dans un ordre néocolonial……
L’enjeu du livre est donc là : montrer que le pouvoir colonial suppose une articulation ternaire entre les groupes en présence, de l’huile dans les rouages en quelque sorte, combinatoire qui continue à s’exercer sous nos yeux.
… La logique de la démonstration est la suivante : on se propose de fournir d’abord quelques repères théoriques de la tripartition. On avancera par la suite, sur la base de nombreux travaux historiques, quelques éclairages sur les propriétés de ce lien colonial répressif. On poursuivra l’analyse en montrant comment, après l’abolition formelle de l’esclavage les groupes pris dans cette logique ternaire ont démultiplié leur implication, notamment au travers d’un travail de constitution d’un groupe politique séparé des Nègres. On suivra ce compartimentage statutaire et idéologique dans la manière dont les dirigeants politiques ont façonné les représentations collectives. Une analyse empirique permettra de donner à voir comment les enjeux du passé sont désormais lissés, en comparant deux styles muséaux, « mulâtre » et « nègre ». On proposera un panorama de la structure socio-raciale de la société néocoloniale martiniquaise au travers de l’analyse objective de ces groupe
http://www.reseau-terra.eu/article1290.html