Article du Monde paru lors de sa dernière prestation sur scène.
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Formidable, éblouissante, phénoménale soirée, vendredi 21 décembre 2007 : Henri SALVADOR, musicien-musicien, chanteur, pitre, danseur stupéfiant, 90 ans aux prunes, fait ses vrais adieux au Palais des Congrès (Paris). Ni retour ni récidive, un vrai départ, "la déchirure" : Monsieur Henri, pantalon blanc cassé, blazer de yachtman, Salvador tire sa révérence en toute conscience et dans le rire.
Formidable? Eblouissant? Phénoménal, parce qu'il viendrait de donner le plus formidable, le plus éblouissant, le plus phénoménal de ses récitals? Oh que non, bien mieux : ce dernier soir, la voix le lâche. Son corps n'a plus les mêmes idées que lui. Et il en fait rire sans en faire d'histoires. Grand art. Henri Salvador, artiste de quatre-vingts ans de triomphes et de bien rentables tubes (Zorro – "Celle-là, je vous aurai bien saoulé avec…") change en élégante comédie sa défaillance d'un soir. La voix, la justesse, tout déraille à l'amiable. Le seul à s'en rendre vraiment compte, devant 3787 clampins conquis d'avance, le seul à en rire sans rire au fond, lui, SALVADOR Henri, trop capable de s'entendre, sauf avec son corps justement ce soir : "Putain ce soir, mon cousin, j'ai des gravillons partout, vous avez pas le pot, peut-être un petit coup de pinard…" Très fraternel, le verre de pomerol aussi le lâche. Fumier. Bref, il est authentique comme une patate, là, nu comme un vers de Bernard DIMEY (Syracuse). Tout ce qui flotte dans le registre grave flottille, tout ce qu'il va chercher en force, il le trouve. D'un coup, il lâche une saignante version du légendaire Blues du dentiste écrit "avec mon pote Boris Vian". La justesse ne revient pas pour autant, la voix cherche sa voie, lui le sait, mais alors la mise en place, mes amis, la "mise en place" – concept fondamental dont ne sont capables que les grands musiciens de jazz – alors ça, oui, ça tient formidable. Une leçon. Sinon? Sinon, il valait mieux venir hier. Seulement, hier c'est hier, les adieux, c'est ce soir, et la vie, demain. Monsieur SALVADOR navigue à vue, poussé au train par un formidable orchestre, comptant ses pieds pour gagner les coulisses, esquissant soudain trois pas et demi dont personne n'est plus capable, à ce degré d'élégance, de grâce, d'ironie, sauf lui. Le swing tombe du ciel. Sans compter que Monsieur Henri ne donne pas le change, ne la joue ni pathos ni ultimes adieux de divo : "Juste ce soir, c'est bien ma veine, j'ai plein de chats dans la gorge, et tous mes copains sont là! Il est temps que j'arrête, c'est pas possible ce truc." Pas un gramme de cabotinage. La vérité, l'âpre vérité. Et du mauvais goût génial à en revendre. Des voix amoureuses fusent de la salle. Il répond en chantant : "Bonsoir, amis, bonsoir", je largue les amarres, bonsoir les amis bonsoir, "il faut savoir partir". Trois entrechats, deux baisers en coulisse, retour, "je suis obligé de vous faire un sketch que je faisais avant Jésus-Christ." Donc, le sketch d'avant J.-C. Le sketch, pas vraiment nouveau, du présentateur de télé qui se saoule avec ses spots de pub sur le gin. Enorme. Francis MARMANDE, article du 22.12.2007 Tous ses albums… impressionant ! Sa bio via Wikipédia : C'est à l'âge de 12 ans qu'il débarque du paquebot Pérou dans le port du Havre le 16 août 1929 en compagnie de toute sa famille. Son père, Clovis, et sa mère, Antonine Paterne, fille d'une indienne caraïbe, sont tous deux natifs de Guadeloupe. Son père de Morne-à-l'Eau et sa mère de Port-Louis. Il a une sœur Alice et un frère, André, avec lequel il chantait en duo au début de sa carrière, et avec qui il fit les beaux jours du Jimmy's à Paris et à Biarritz. Son frère André Salvador fut Grand prix du Disque 1947 avec Hey-ba-ba-re-bop avec l'orchestre d'André Ekyan. De décembre 1941 à décembre 1945, il fait partie de l'orchestre de Ray Ventura lors de son séjour en Amérique du Sud — Brésil, Argentine, Colombie, Uruguay, etc. Il y exerce ses talents de guitariste-chanteur et de comique avec une imitation de Popeye. Par la suite, devenu chanteur, il fit toujours en sorte de combiner sur ses albums chansons très fantaisistes et chansons douces, bien que le grand public se montre plus enthousiaste sur les premières, où il régnait sans partage, tandis que la concurrence était sévère dans le domaine des secondes (André Claveau, Georges Ulmer, etc.). Sous le pseudonyme d'Henry Cording, il chante, en 1956, des morceaux de rock'n'roll en français écrits par Boris Vian et composés par Michel Legrand et par lui-même (Rock hoquet). Parallèlement il enregistre un 45-tours à la guitare jazz intitulé Salvador plays the blues. Il fut parolier pour de nombreux artistes, notamment pour Régine, Sheila. Il a fait connaître au grand public Art Mengo et Keren Ann. Le dernier album en date remonte à fin octobre 2006 intitulé 'Révérence. Le photographe Jean-Marie Périer a révélé qu'il était le fils d'Henri Salvador. Henri Salvador s'est également prêté au doublage de films d'animation, en prêtant sa voix en 1990 au crabe Sébastien dans La Petite Sirène, des Studios Disney. En 2006, à l'occasion de la sortie dvd du film, il réenregistra également les dialogues de sa suite, La Petite Sirène 2 : Retour à l'océan, dialogues confiés à un autre comédien sur la version originale de 2000. Henri Salvador mit fin à sa carrière active lors d'un dernier spectacle donné au Palais des congrès de Paris le 21 décembre 2007
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