Bondamanjak

L’Ecole est Sauvée : L’ENA pense pour nous. Enadmissible ?

J’ai lu pour vous le rapport de L’ENA (juillet 2006)
Je respecte ceux qui mettent sur internet leurs travaux. Ils font partie des courageux qui s’exposent aux critiques. Alors… allons-y pour les critiques. Courage à vous !

Voici mon rapport sur votre rapport :

Tout n’est pas à jeter dans le rapport (on ne va tout de même pas jeter le bébé avec l’eau du bain).

Ce qui est bien dans le rapport :
1° – TOUTES Les propositions qui s’attachent à simplifier le système qui n’ est, à mon avis pas assez transparent et pas assez simple pour être utilisé à bon escient.
Exemples :La fusion des dispositifs relais.
La simplification du pilotage des EPLE. (Etablissements scolaires locaux d’enseignement)

2° Les critiques sur l’hémorragie textuelle dont souffrent chefs d’établissements et enseignants, qui à mon avis aussi mérite des hémostatiques. Un chef d’établissement ne pourra être efficace que s’il dispose du temps nécessaire pour faire fonctionner son établissement et non pas s’il est englué dans un apprentissage permanent de textes de lois chaque année différents et parfois contradictoires.
.

3° La nécessité de prendre en charge de manière individuelle les élèves en difficultés. Ce qui à mon avis résoudrait les trois quarts des cas de délinquance juvénile car en prenant en charge l’enfant on lui porte le regard nécessaire dont il a besoin, ce qui ne serait pas efficace en groupes, même restreints. Ce que ne permet pas l’organisation actuelle de l’Education Nationale.

La remarque sur les élèves relégués à 14 ans est juste. C’est une fabrique à exclusion.
Par contre cela achèterait la paix sociale car les perturbateurs gênent précisément le processus de socialisation de la majorité, en perturbant les cours. D’un certain point de vue, la démocratisation empêche la démocratisation…

4° Le recours à l’expérimentation dans les écoles et EPLE- A plusieurs reprises dans ma carrière, j’ai tenté de faire évoluer certaines pratiques et certains a-priori, en faisant dans mes classes certaines expériences , je n’ai pas toujours été soutenue dans mes innovations, en effet.

5. La proposition de bureaux pour les enseignants dans les établissements est une bonne proposition. Elle permettrait à notre travail « invisible » : la correction de nos copies, la préparation de nos cours etc… de devenir visible ; Et surtout cesser que la société fantasme sur notre temps élastique.
Il s’agit d’une bonne proposition mais irréaliste pour le moment et si nous n’avons pas des aides conséquentes. Dans mon établissement, nous demandons la construction de salles de cours pour les élèves, et cela depuis dix ans. Nous attendons encore !
Sur ce point les collègues sont en majorité opposés à ce projet parce qu’ils disent « qu’ils vont encore se faire avoir… » Ils argumentent en affirmant que lorsqu’il nous restera un paquet de copies à corriger, qu’inévitablement on fera des heures supplémentaires qui, encore une fois ne seront pas comptabilisées dans notre temps de travail.

Cependant :
L’évocation des 40 heures au Japon effectuées par les enseignants ne me font pas peur (de toute façon, j’en fais plus)
Mais je pense qu’ils disposent de bureaux, que l’institution leur fournit le matériel qui leur permet de travailler. Ce n’est pas le cas des enseignants en France qui achètent la plupart du temps leur ordinateur, payent leur connexion internet, leur encre, leur papier sur leurs fonds propres et doivent consacrer un pièce ou un coin de leur maison à stocker leur travail, leurs cours et leur matériel. Là encore toutes ces préoccupations même si elles sont justifiées par des pensées a-priori inattaquables (limiter les incivilités dans les établissements) ne font que cacher la forêt :

  • -la volonté de dénuder de plus en plus les établissements de personnels d’encadrement (y compris les CPE)
    – la croyance tenace qui relève du fantasme que l’enseignant est un fainéant qui dispose d’un temps de liberté qui relève du privilège.
  • Faut-il rappeler que ce statut particulier doit être mis en relation avec l’investissement important que représente une heure de cours, les préparations nécessaires pour chacune heure de cours, les corrections de copies et que, de surcroît un professeur est quelqu’un qui doit se tenir au courant de l’évolution de sa discipline, autrement dit lire, se former… Pour ma part, j’ai de moins en moins de temps pour effectuer ce travail intellectuel qui prend de plus en plus sur mes nuits car il est nécessaire pour conserver ses compétences sur le plan didactique et pédagogique.

    Faut-il rappeler que le temps passé à « former » n’est pas un temps « normal » mais qu’il exige une vigilance, un investissement personnel qui n’a rien à voir avec le travail dans un bureau, même pour des chefs de service qui disposent de responsabilités importantes ?

  • Faut-il insister sur le fait qu’un enseignant qui est fatigué ne peut pas aller boire un café pour se donner un peu d’énergie mais qu’il est astreint à rester devant les élèves tant que ses cours ne sont pas terminés (parfois cinq heures d’affilée ?)
  • Faut-il rappeler que lorsque vous désirez aller aux toilettes vous devez attendre un inter-cours, ce qui rend difficile l’exercice de ce métier lorsque l’on a la moindre maladie qui augmente les mixions ?. Peut-être faut-il le dire aux médecins qui liraient ce texte, qui ont du mal à nous « arrêter » puisque, vous comprenez, « enseignant, c’est cool ! ». Je paierais cher pour les mettre à notre place, même une journée.

    Si dans le temps de travail tout est compris (corrections, recherches, préparations, photocopies, recherche de documents au CRDP, préparation des conseils de classe, travaux liés aux conseils d’administration, aux travaux de coordonnateur de discipline, aux contributions au CESC (Comité d’Education à la Santé et à la Citoyenneté), aux réunions transdisciplinaires, conseils de classe… La plupart des enseignant ont intérêt à ce qu’on fixe précisément un temps de travail précis et non que l’on dispose indéfiniment de leur temps.

    Cependant si l’on fixe ce temps de travail dans les établissements sans nous donner de bureaux c’est une véritable catastrophe. Le travail en salle des professeurs est impossible, trop de passages, les interventions intempestives des collègues rendent impossible un vrai travail. On doit disposer de lieux calmes, où l’on peut stocker nos documents pour travailler avec nos outils sinon on se verra obligés comme des tortues de transporter notre bureau sur notre dos, ce qui n’est pas pensable. On doit pouvoir mettre à notre disposition notre matériel et assurer la sécurité de nos effets personnels ! J’espère que ceux qui préparent cette belle réforme (que je soutiens) ne s’arrêteront pas en route en imposant la présence et en ne permettant pas que nous assurions notre tâche dans des conditions correctes.

    Ce qui inquiète :

    1° Devinez combien d’enseignants sont cités dans l’annexe des personnalités rencontrées (en fin de rapport ?)

  • deux ! :
  • une institutrice,
  • une professeure de lycée .
  • Non ce n’est pas une blague. C’est « Enadmissible » ! 1 professeur de lycée, une institutrice aucun professeur de collège.

    A côté de cela, le rapport cite :

    27 IGN, IPR, Secrétaires généraux, recteurs, chef de bureau etc…
    24 chefs d’établissements
    17 chefs de service et assimilés des ministères.
    12 membres des instituts de recherche
    2 préfets
    2 recteurs
    2 parlementaires
    7 directeurs et chefs de service des ministères de l’éducation étrangers
    11 universitaires
    10 présidents et secrétaires généraux, responsable de syndicats.

    Non, ce n’est pas une blague . Comment peut-on faire un rapport sur l’école sans consulter les principaux intéressés, les instituteurs, les professeurs, les élèves, les parents ?

    Il est assez amusant que les 9 élèves étant à l’origine du rapport de l’ENA sur l’école dénoncent la « démocratisation inaboutie » de l’école qu’ils entendent contribuer à parachever.
    En rédigeant ce rapport ils ont une pratique qui présage exactement du contraire.

    Il est vrai que les élèves de l’ENA qui ont rédigé ce rapport étaient certainement en âge de s’intéresser à la gameboy lorsque j’enseignais déjà, sans doute pêchent-ils par immaturité, mais tout de même !

    Je suis sidérée. Tous les ingrédients sont là pour que le système perdure . Que le reproche qui est fait aux élites de fonctionner en vase clos, d’être coupées de leur base, de mettre en exergue des problématiques éloignées des préoccupations des français, se reproduise .
    Et rebelote ! Je n’ose pas le croire, sans doute est-ce un oubli malheureux.
    Mais vous ne pouvez pas le faire vous-même, on doit vous aider :

    Un spécialiste qui vous aidera,
    C’est bien trop dur pour toi et moi
    Qui sera-t-il ?
    Qui vous portera secours ?
    C’est un travail pour …
    Pour un héros à Strasbourg…

    (Comment une femme comme Ségolène Royale a pu émerger (c’est le mot adéquat) de l’ENA ?
    Comment quelqu’un qui parle de démocratie participative (ce qui à mon avis, est parfait) peut-elle avoir été formée dans ce moule sclérosé ? Seule un personne suffisamment indépendante intellectuellement peut se soustraire aux « déformations de la formation » et du milieu dans lequel on baigne.) J’avoue que cela force mon respect.

    De la part des élèves de l’ENA – ne pas consulter les troupes (enseignants, professeurs élèves et parents) concernées par l’éducation, c’est-à-dire pratiquement la part la plus importante de la communauté éducative, mépris ou oubli, mépris ou incompétence ? Les deux à la fois ? Cela m’inquiète car cela traduit ce que le peuple français pense de nos élites : qu’elles sont complètement imbues d’elles-mêmes et coupées de la réalité du terrain, mais aussi inconscientes de l’immense responsabilité qu’elles ont dans les processus de changements sociaux.

    2. Le malaise profond des enseignants est « considéré de haut. ». On élude rapidement la problématique en soulignant son caractère récurrent. Ce malaise est lié à
    La pénibilité croissante de l’enseignement- ceci est évoqué mais pas analysé et aux tâches multiples qui lui sont demandées sans contrepartie.

    3. les rythmes scolaires ne sont pas remis en question même si le rapport propose des allègements .
    Un enfant de collège ingurgite 30 heures en moyenne de cours par semaine, -ce qui est beaucoup trop-(Je ne parle même pas du travail personnel qu’on lui demande)
    Il est habituel de considérer dans l’éducation Nationale que l’échec scolaire soit à l’origine des violences et des incivilités mais quelle est la part de la responsabilité des rythmes scolaires dans l’échec scolaire lui-même ?
    Pour achever la démocratisation de l’école, il faut absolument à mon avis s’attaquer aux rythmes scolaires ; Ce qui, évidemment demande du courage politique car cela arrange tout le monde de ne pas s’embarrasser avec les enfants dont on ne sait pas quoi faire ! Combien de parents lorsque les enseignants sont en grève programmée, ressortent furieux de l’établissement en disant : qu’est-ce que je vais en faire ?

  • Les contenus des programmes, de plus en plus complexes et inadaptés, ne sont-ils pas à l’origine également d’une partie des échecs ?
    Un élève de lycée aujourd’hui est interrogé sur un programme comparable à celui de l’ENA des années 70 ! Les programmes ont pris des proportions affolantes compte tenu des multiples demandes des différents acteurs sociaux (sécurité routière, rôle des femmes dans l’histoire, rôle des médias, B2I (informatique) etc… Il semble qu’en haut lieu on veuille satisfaire tout le monde sans discrimination et sans penser aux élèves qui feront une indigestion d’informations et qui rejettent ce système sous forme d’emploi de la violence. Pas étonnant : le système est violent. Le système est générateur d’une élite qui s’auto-reproduit et met en place les conditions de sa propre reproduction. Elle ne fait pratiquement plus la place à l’ascension sociale des enfants issus de milieux défavorisés .

     

    La sacro-sainte heure de cours doit être reconsidérée. On sait qu’elle ne favorise pas des pratiques pédagogiques innovantes. Une heure trente ou deux heures de cours rendent possible des travaux de groupe, des travaux de recherche, l’utilisation de l’informatique… Cela permet à l’enseigant de mieux connaître les difficultés de chacun. On sait qu’une heure de cours , c’est court et cela ne permet pas de nouer des liens avec les élèves. Une heure de cours favorise le cours dit « magistral », parce que l’on sait bien que si l’on met en place un autre type de séquence, on manque de temps, ou bien on doit limiter nos ambitions au muinimum, en tout cas en collège. On doit s’attaquer aux rythmes scolaires mais aussi à la manière trop traditionnelle de faire les emplois du temps.

    La remise en question des rythmes scolaires réclame une réflexion en profondeur. Et peut-être des réformes radicales. On sait grâce aux travaux de la chronobiologie que le rythme imposé aux enfants ne respecte pas leur rythme naturel. Comment les élèves de l’ENA peuvent-ils passer à côté de cette problématique centrale ?

    4. La nécessité de faire évoluer le métier ne doit pas aller dans le sens d’un polyvalence de bas étage. Ceci n’est pas dit, mais…..on pressent que cela pourrait être cela !

    Un professeur de qualité doit rester un spécialiste d’une discipline ce qui garantit la qualité de son enseignement. La tendance est de plus en plus d’augmenter les tâches annexes (B2I, sécurité routière etc…) (ce qui ne manque pas de dénoter une forme de mépris pour les enseignants qui –c’est connu- on trop de temps et qu’il faut le combler !) Ce qui ne veut pas dire que l’on ne doive pas faire des liaisons entre les disciplines !

    5. A mon avis : Les images anciennes de l’enseignement parfait doivent évoluer. Ce n’est pas développé dans le rapport et c’est dommage, parce que sur ce point les chefs d’établissement que j’ai connu étaient les premiers à les véhiculer et à les faire perdurer ; Une classe qui travaille par excellence est pour eux une classe qui ne bouge pas (les cadavres aussi ne bougent pas). Elle est muette (attentive, en fait on s’en fiche). En réalité un élève qui s’intéresse à ce que l’on fait en classe a envie de s’exprimer, d’en faire part. Il est évident qu’à certains moments, ils ne sont pas tous « sages » et ça a du mal à être accepté.
    C’est comme si on disait constamment : un bon élève se tait et parle sur commande quand l’enseignant l’a décidé. C’est un peu la dictature.

    D’ailleurs quand ce n’est pas muet ou presque c’est que l’enseignant ne « tient pas sa classe ». Et la boucle est bouclée tout le monde est content. On ne va pas entrer dans le détail de la contingence, de l’éducation, de la fatigue, des rythmes scolaires etc… Le professeur est responsable de tout c’est simple et on n’a pas envie de se compliquer la vie. D’ailleurs un enfant qui passe par la fenêtre dans une salle de classe, c’est l’enseignant qui est responsable et qui va en prison ; Un enfant qui se tue en passant par la fenêtre chez lui c’est un accident ou un suicide, les parents ne vont pas en prison (même si les parents ont rarement 30 gamins à gérer en même temps !)

    6. Le pilotage par les résultats va à l’encontre du principe d’accompagnement individualisé proposé dans le rapport.

    – Le rapport cite lui-même une multiplicité des missions de l’éducation-Nationale qui nuit à la cohérence de l’ensemble et propose des solutions qui elles aussi supposent des valeurs contradictoires.

    Pour revenir au point 6, l’évaluation des établissements en fonction des résultats est en contradiction avec un accompagnement individualisé des élèves en difficultés. Cet accompagnement est chronophage . Soit on évalue les établissements sur leurs résultats aux examens, soit on choisit de poursuivre une politique de démocratisation en mettant en exergue la nécessité d’acquérir le socle commun dans un souci de cohésion sociale. Ce ne sont pas les mêmes valeurs ni les mêmes principes. C’est pourquoi, à mon avis :

    7. Il faut laisser aux chefs d’établissement et au projet d’établissement le choix de la politique de l’établisssement et ne pas faire pression sur les établissements en matière de réussite aux examens. Comment mettre dignement sur le même pied d’égalité des établissements qui ne sont pas, on le sait fort bien- égaux (publics différents)

    8. Le document laisse ‘transpirer’ une vision caricaturale de l’enseignant, qui dénote un manque de culture grave pour des énarques .
    Au lieu de contrer des a-priori faux, le rapport se fait le porte-parole d’une vision ancienne qui ne correspond plus à la réalité d’aujourd’hui. Si pour les baby-boomer (qui sont aujourd’hui des papy -boomer) cette vision correspondait à l’éducation qu’ils avaient reçu, aujourd’hui ce n’est pas du tout le cas. Le pourcentage de « professionnels » responsables des maltraitances en France est évalué à environ 3 %. Celui des proches et de la famille proche à environ 86 %. Si on met bout-à bout la responsabilité des proches et de la famille proche (père, mère, beau-père, belle-mère) avec celle de l’entourage (grands parents et autres membres de la famille), on tourne autour de 95 %. Les maltraitances perpétrées par des enseignants sont donc des épiphénomènes. Il est inadmissible d’en faire référence. Cependant je ne veux pas dire pour autant que cela doive être toléré si cela se produit. L’école républicaine doit protéger à tout prix les enfants qui lui sont confiés. Cela signifie que le sentiment qu’ont les enseignants d’être déconsidérés provient d’une vision fausse de l’exercice de leur profession actuelle et d’une mauvaise connaissance de leur métier, d’un manque de respect tout simplement car ils pâtissent des conséquences des pratiques de leurs predécesseurs . Une recherche de terrain et une culture plus étendue n’aurait pas pu ignorer cela.

    9. Le rapport ignore complètement le rôle des infirmières scolaires qui sont dans le même cas que les C.O.P (Conseillers d’orientation psychologue) . Elles travaillent souvent sur plusieurs établissements. Cela nuit à un travail approfondi. Les infirmières scolaires sont une écoute pour les élèves. L’infirmerie étant le lieu où l’on panse les bobos (et les maux de toutes sortes… y compris les difficultés personnelles).

    10. Mon avis : Les dépenses de l’enseignant ont augmenté, pas leur salaire . On ne veut nulle part évoquer ce problème, comme si le métier d’enseignant nous mettait à part du circuit économique. L’enseignant doit être un ermite, ne parle –t-on pas de la vocation d’enseignant comme si on entrait en religion (sans doute en référence avec les premières écoles qui étaient tenues par des religieux )
    On demande de plus en plus à l’enseignant sans jamais leur payer d’heures supplémentaires et sans se poser de question quant à la dégradation de la qualité de leurs préparations.. Les fameux ISO que pour ma part je souhaiterais voir disparaître- sont un prétexte à une hémorragie d’heures supplémentaires volées sur notre temps personnel d’où le malaise, parce que sans contrepartie ni financière et sans reconnaissance de l’institution et sans valorisation sur le plan social .


    D’autre part – et je le précise à nouveau-je travaille avec mon ordinateur personnel, j’achète mon encre pour mes impressions sur mes fonds propres, mes documents pédagogiques, je fais souvent mes photocopies sur mes fonds propres également… C’est une situation qui n’est pas normale. Si on veut que l’enseignant se comporte comme un cadre avec des responsabilités accrues et qu’il investisse dans son métier, il faut qu’il soit payé comme un cadre (la proposition de donner 180 euros pour aller en ZEP est une insulte faite aux enseignants. Avec 180 euros on ne fait rien avec cette somme chez nous et ce n’est pas avec une somme aussi modeste qui donnera envie à un enseignant confirmé d’aller en ZEP. Quand la carrosserie sera rayée par un élève ce n’est pas 180 euros de peinture qu’il payera pour la faire repeindre. La vie a augmenté dans nos îles et les fonctionnaires entrés dans le corps dans les années 90 se sont paupérisés (depuis la fameuse décision de geler nos salaires. A l’heure qu’il est on est en période glaciaire).
    Lorsqu’un énarque aura fait l’expérience d’une semaine de cours – en responsabilité- et non pas en observation- (ne serait-ce que cela) dans un collège de ZEP, on rediscutera de la valeur des 180 euros.
    Pour vous donner une idée de ce que cela représente chez nous : un chariot même pas rempli à 100 % de produits de base dans un hard discount (genre Leader Price) . Là aussi ce sera sans doute une première, pour vous, (d’entrer dans un hard discount, il faudrait en faire l’expérience) énarques, qui manifestement considèrent les professeurs (cadre A de l’éducation Nationale) comme des quantités négligeables et contournables…

    10. Un conseil en tant qu’aînée : L’école est une administration de l’état. . Lorsque vous serez affectés à un service public il serait souhaitable pas que vous vous sentiez au au service du public.

    Pourquoi faudrait-il faire cette expérience ? Parce que si vous ne faites pas cette démarche, vous aurez la désagréable surprise de voir la société française se révolter , parce que, de jour en jour, la classe moyenne qui faisait la stabilité de l’état bout en silence . Nos élites dirigeantes se coupent de la majorité des français et les privilégiés se sclérosent sur leurs intérêts de classe.
    Vous serez appelés à assumer des missions dans un cadre public, en ce sens vous êtes au service du public.
    Faut-il rappeler le principe essentiel de la démocratie qui consiste à « représenter » ceux qui nous ont mis au pouvoir, il s’agit donc d’une mission publique, il s’agit d’œuvrer pour l’intérêt général et non les intérêts particuliers. Par exemple, quand on utilise l’argent public (nos impôts) pour vendre aux petits copains une entreprise qui enfin peut se révéler rentable, on dilapide l’argent public dans un intérêt particulier.

    Les dérapages des hommes politiques révèlent leur pensée. « Ce n’est pas la rue qui gouverne ». Mais si…. justement, certains oublient qu’en France c’est le peuple qui vote. Et quand il est mécontent, il manifeste, fait des pétitions, écrit sur internet ! Réagit !

    Faut-il rappeler à nos futurs énarques que le mépris est un écueil du pouvoir qu’il est souhaitable d’éviter ?
    Faut-il leur rappeler qu’on peut apprendre même de la base, des « petits » une foule de choses, si on a l’humilité d’écouter ?

    L’hémorragie de réformes nuit à l’efficacité du système. Aucun système en France n’a vu passer autant de réformes que l’éducation Nationale. Or aucune réforme ne peut être efficace si elle n’a pas été expérimentée, critiquée, redressée, corrigée. Parce qu’elle est par essence théorique (comme votre travail). Or jamais on ne laisse le temps suffisant aux troupes pour s’approprier la réforme. Bien souvent lorsque nous commençons à nous approprier les aspects positifs d’une réforme et à la faire fonctionner efficacement, le système pond une autre réforme (histoire de se faire une loi ou une page d’histoire, chacun cherche à exister comme il peut). L’éducation Nationale a besoin d’une vraie réforme, réfléchie, testée et a besoin que les moyens nécessaires pour qu’une telle réforme soit efficace. Elle n’a pas besoins de « mesurettes » tous les cinq ans inefficaces et sans moyens.

    Mais qui suis-je pour oser critiquer la sacro-sainte Ecole ?
    Moi, pur produit de la démocratisation (quand elle existait encore, maintenant c’est discutable), issue d’un milieu modeste, tout ce que je suis-je le dois à mes professeurs (et à mes parents qui ont eu l’amabilité de valoriser l’école et à la société de l’époque qui ne la massacrait pas encore.) Je suis un virus dans la matrice…

    En résumé :
    Une vrai rapport sur l’école devrait :
    – Analyser les problèmes actuels (et pas uniquement structurels) de l’école (enquête de terrain- interroger les professeurs, les instituteurs, les élèves, les parents…)
    -Analyser le malaise des élèves, des enseignants et des chefs d’établissement et leurs raisons. (enquête de terrain) qui subissent beaucoup trop de pression.
    – Penser à revaloriser les métiers. (Communication-formation)
    – Repenser les rythmes scolaires (analyse et contact avec des spécialistes).
    – Envisager une politique de revalorisation de l’école. (communication)

    Marie-Lyne Mouriesse