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L’économie martiniquaise ou le syndrome de la grenouille

La commission du MEDEF Martinique est ainsi en mesure d’affirmer que l’économie Martiniquaise est vraisemblablement en train de vivre une récession dépressionnaire de son économie privée . Cette récession touche la sphère de l’économie privée, c’est-à-dire la part de la production régionale créée par l’entreprise privée. Il ne s’agit pas pour nous d’opposer l’économie privée et l’économie publique. Nous savons que le filet de sécurité économique et social tendu par le long processus de départementalisation, puis de décentralisation, puis enfin de politique régionale européenne a été à l’origine de 60 glorieuses pour la Martinique, à côté desquelles les 30 glorieuses connues par l’hexagone entre 1946 et 1973, font pâle figure. Nous savons également que le tissu qui forme notre économie privée est bien fragile encore et ne saurait prospérer sans la politique de solidarité nationale et européenne qui nous a assuré : l’investissement productif et immobilier grâce à la défiscalisation ; l’investissement pourtant sous-potentialisé en infrastructures propres à accroître notre potentiel économique grâce aux fonds européens trop peu sollicités (selon L’IEDOM, seuls 66% des fonds programmés par le FEDER dans le cadre du DOCUP 2000-2006 ont été utilisés) ; l’égalité des minima sociaux malgré l’inégalité de l’appareil productif (rappelons que le PIB par habitant en Martinique de près de 19.000 € par habitant en 2006 est 40% inférieur à celui de l’hexagone) ; les sursalaires des fonctionnaires et professions assimilées (comme paradoxalement la banque) qui ont contribué à l’émergence d’une demande locale, qui a suscité en retour le développement d’une offre de biens et services importés ou produits localement ayant ouvert le besoin d’une qualification croissante de la population active, pour répondre à la sophistication croissante des besoins de la population régionale. Grâce à cette solidarité nationale et européenne, nous avons encore du mal à évaluer le délabrement actuel de l’économie privée.

Nous vivons en fait le syndrome de la grenouille qui plongée dans une marmite d’eau froide ne saute jamais hors d’elle malgré l’élévation progressive de la température, jusqu’à mourir ébouillantée.

Mesurons plutôt secteur par secteur pour avoir déjà une approche des dégâts que personne n’évoque actuellement. La distribution automobile est en recul par rapport à l’année précédente de 25%, le secteur du bâtiment et des travaux publics est en chute de 35%, le secteur du tourisme a vu ses recettes tombées de près de 13% (soit une chute de près de 30% par rapport à 2007), seuls les secteurs liés à la consommation quotidienne de première nécessité et non soumise au crédit à la consommation des ménages résistent encore plus ou moins. Ils sont forcément les derniers touchés, la montée du chômage ayant par nature un effet retard sur la consommation. Et en effet, le chômage est une conséquence de la crise et non sa cause. Il intervient donc après le ralentissement, avec le fâcheux effet de l’accélérer. Mais les entreprises qui meurent font peu de bruit, surtout lorsqu’elles sont petites ou très petites, comme c’est le cas de l’essentiel de notre tissu économique.

Nous pouvons donc penser aujourd’hui que l’économie privée de la Martinique va probablement chuter en 2009 de près de 20%. Il n’est qu’à rapprocher ce chiffre des 30% de réduction du PIB connu par les Etats-Unis entre 1929 et 1933 pour mesurer l’étendue des dégâts potentiels, et les difficultés sociales que nous pouvons craindre d’un telle tendance, dès lors que le déficit d’exploitation, le chômage et l’investissement forment les trois seules variables d’ajustement dans notre économie de type européen, puisque le pouvoir d’achat heureusement ne peut être entamé par la dépréciation d’une monnaie que nous tenons de l’Europe.

Il ne nous appartient pas à nous chefs d’entreprise de tirer ainsi la sonnette d’alarme économique. Nous n’aimons pas le faire, et le plus souvent donc nous ne le faisons pas, si ce n’est dans des interventions directes auprès de la puissance publique ou territoriale et de ses représentants. Pourquoi ? d’abord, parce que nous craignons toujours de briser le cycle de la confiance dont nous savons qu’il est un pilier de l’investissement et de la consommation, bref du dynamisme économique ; ensuite, parce que nous craignons que de telles prises de position puissent être interprétées à tort par une volonté de perturber le jeu du débat politique ; enfin, parce que nous sommes conscients que notre vocation  d’entrepreneurs à poursuivre les opportunités de profit disqualifie souvent à tort notre parole comme étant celle d’intérêts particuliers, qu’il convient de combattre. Pourquoi le faisons-nous alors ? parce que nous savons que le moteur économique ne tourne plus que sur un reliquat de consommation et que les agrégats qui détermineront la consommation et l’investissement de demain ne seront plus constitués, dès lors que la machine productive aura été enrayée par la réduction du potentiel productif et la demande contrainte par le chômage et la baisse de l’investissement public ; parce qu’enfin notre parole n’est pas aujourd’hui celle d’intérêts particuliers des entrepreneurs, mais bien celle de l’intérêt général, à commencer par celui des ménages les plus modestes, qui tirent leurs revenus de leur travail.

Il en va de la forme la plus élémentaire de cohésion sociale dans notre département.

Des pistes positives sont certes sorties des états généraux, mais paradoxalement, le traitement de ses conclusions a plutôt contribué à réduire le sentiment d’urgence qu’à l’aiguiser.

Il est donc temps d’agir de deux façons :

Voici les mesures urgentes qui pourraient tenir lieu de contre-mesures propres à enrayer la menace bien concrète d’une récession durable et destructrice :

Après le temps de l’insatisfaction avec le statu quo qui s’est manifesté lors de la crise de février, il est maintenant venu le temps du partenariat entre la puissance publique, les élus, les partenaires sociaux et les entreprises pour faire face à l’urgence de la situation économique actuelle et faire droit à la promesse du développement économique de la Martinique. Nous, les entrepreneurs de Martinique, sommes disponibles dès maintenant pour faire de ce partenariat une réalité.

Cyril Comte 
Président de la Commission Economique du MEDEF