Bondamanjak

L’écrivain et le Goncourt de circonstance

« Vous voyez ! Vous voyez, il m’a frappé…Eh ben, je vais chercher quelque chose pour lui » et il sort de la boutique pour se rendre à sa voiture garée sur le parking mais à un endroit que je ne distingue pas car entre temps la station s’est remplie. Je lance alors :

« Eh bien si c’est comme ça, moi aussi, je vais chercher quelque chose à ma voiture ! »

Je sors donc de la boutique et me met à traverser le parking, ma voiture étant garée assez loin. Ce en quoi je commets une erreur capitale qui aurait pu me coûter la vie. Je ne prends pas la peine de regarder derrière moi, or l’énergumène est déjà revenu de sa voiture, brandissant un rasoir et fond sur moi, me flanquant un violent coup derrière la tête. Je suis presqu’à hauteur de ma voiture. Un voile noir obscurcit ma vue et je perds conscience durant trente secondes, tombant comme une souche par terre. Quand je reprends conscience, il est en train de me bourrer de coups de pied au visage, dans les côtes, sur les épaules, son rasoir prêt à frapper au cœur. Mais comme je débats, riposte tant bien que mal avec mes pieds, toujours à moitié groggy sur le sol, il ne trouve pas le bon angle pour me piquer et continue à me frapper avec rage en m’insultant. C’est alors que les trois pompistes de la station font semblant de s’interposer. L’un crie :

« Pa pitjé’y ! » (Ne le pique pas !)

Il a fallu finalement l’intervention de clients pour arrêter l’énergumène. Lorsque les gendarmes arriveront sur les lieux, j’étais parti et quand j’ai eu affaire à eux, ils m’ont dit texto :

« La vidéo montre que vous lui avez donné un coup de poing. »

« Ah bon ? Et elle ne le montre pas en train de m’insulter d’abord, puis de me flanquer une bourrade ensuite ? »

« Heu non, la bourrade n’est pas très visible sur la vidéo. En plus, les pompistes ont déclaré qu’il n’avait pas d’arme. Lui-même a reconnu qu’il est bien allé à sa voiture chercher une arme mais qu’il n’en a pas trouvée. »

J’ai préféré sourire, de mes lèvres tuméfiées, face à ces deux gendarmes blancs. Malheureusement, pendant le passage à tabac, mon passeport contenant mon permis et ma carte grise ainsi que mon porte-carte contenant ma carte bleue, carte Vital etc…sont tombés sur le sol sans que je le réalise. Revenu les chercher à la station une heure plus tard, un pompiste me dit qu’il a vu un client les ramasser. A ce jour, ledit client ne les a ramenés ni à la police ni à la gendarmerie. Je précise que la dizaine de clients qui ont assisté à la scène sans rien dire ni rien faire, hormis deux d’entre eux, n’étaient pas des petits jeunes de 16-18 ans à tête nattée sur des boosters, mais des Martiniquais moyen entre 30 et 60 ans.

Telle est devenue notre Martinique en ce début de XXIè siècle…

 
Raphael Confiant
 
Source caribcreole1.com