Bondamanjak

LES ANTILLAIS SONT LE FAIT DIVERS DE LA NATION

"La France s'associe au deuil martiniquais" titrait Le Monde du 25 août à propos de la catastrophe aérienne survenue quelques jours plus tôt. Cette manchette avait choqué plus d'un, car on voit rarement la France "s'associer" à la victoire des nombreux athlètes guadeloupéens et martiniquais aux derniers championnats du monde ! Dans un article alambiqué le rédacteur en chef du journal vient justifier cette phrase en expliquant que : "Le Monde a voulu souligner que tous les habitants de l'île se sentaient concernés par cette catastrophe, qui était bien un drame martiniquais ; et que la France, comme entité nationale, représentée par le président de la République, s'associait à ce deuil." Au secours ils n'ont rien compris ! Les journalistes franco-parisiens ont bien du mal à intégrer la nouvelle donne : aujourd'hui une bonne partie des antillais se sent rejetée par l'entité nationale. Bien sûr nous vivons dans la communauté, bien entendu nous allons aux mêmes écoles… mais quand il s'agit de parler sérieusement de "boulot", carrière, avenir, place dans l'espace social, les "antillais" disparaissent curieusement du dernier tableau. Pourquoi ? Pourquoi nous n'existons pas dans le paysage national hormis pour courir et mettre des buts ? Nous avons fini par comprendre que -pour vous – nous n'existons pas vraiment en tant qu'être humains. Nous sommes juste un peu d'exotisme dans votre tableau. Des exotiques sportifs, ils ont ça "dans le sang", des exotiques mélamanes, ils ont ça "dans le sang". Alors quand vous vous "associez" à notre deuil, finalement on trouverait ça normal. Pour ces journalistes qui ont peur de franchir le périph' : lisez donc un mode d'emploi des "gens de couleur" – première et seconde génération vivant en Hexagone. "Je suis Noir et je n'aime pas le manioc", pamphlet de Gaston Kelman. Il y décortique avec joie les pièges de l'hypocrisie française avec jubilation. Un livre à la fois brillant et …. désespérant.