Par Danielle Borel.
La Chambre Régionale des Comptes (CRC) est une juridiction administrative financière, indépendante, chargée de vérifier les comptes des collectivités locales. Tous les rapports de la CRC sont disponibles à partir du lien : http://ccomptes.fr/Publications/Publications/region-‐Martinique-‐Martinique.
Deux rapports de la CRC, du 8 décembre 2011, sur la gestion de la mairie de Fort-‐de-‐ France et du 24 décembre 2013, sur la gestion du Conseil Régional de la #Martinique par Serge #Letchimy, mettent en lumière les caractéristiques de la gestion de l’actuel président de Région. Tout d’abord, il convient de préciser que la comptabilité la mieux tenue n’est pas garante de la bonne gestion. Les règles et principes comptables constituent un cadre normalisé applicable à toutes les structures. Le Plan Comptable donne la possibilité d’adapter ces règles, d’y déroger si nécessaire en les justifiant, précisément pour assurer une bonne gestion. Lorsque le cadre comptable légal se révèle incapable de garantir la bonne gestion d’une organisation, cette dernière a intérêt à mettre en place une comptabilité parallèle dite comptabilité de gestion.
La focalisation du débat, de la Plénière à la Région du 11 février dernier, sur le travail du comptable, le nettoyage des comptes, l’application des règles comptables, le choix de telle ou telle méthode de comptabilisation ne présentait aucun intérêt. Il s’agissait bien d’un écran de fumée qui visait uniquement à masquer l’essentiel aux citoyens, à savoir les pratiques permanentes de la gestion de Serge Letchimy. Les 4 principaux marqueurs de la gestion Letchimy :
1. Une forte inclination pour l’endettement Selon la CRC, à la mairie de Fort-‐de-‐France « de 2004 à 2010 le volume de la dette enregistre une force augmentation » et représente 2363€/habitant en 2010 soit une augmentation de 35,26% contre 5% pour la moyenne nationale ». La mairie détient un portefeuille d’emprunts et pour trois d’entre eux, les taux d’intérêt sont indexés sur l’évolution du cours de l’euro et du Franc suisse avec des risques de forte augmentation. Un autre emprunt est qualifié par la CRC de « produit risqué ou toxique ». A la Région la CRC note dès 2011 une « rupture avec la mise en place d’une politique de recours à l’emprunt qui s’est amplifiée en 2012 ».
La CRC relève un « taux d’emprunt de 5,31% relativement élevé puisqu’il est de 2 points supérieur au taux d’intérêt moyen de la dette des collectivités territoriales au plan national ». On se demande pourquoi les emprunts sont souscrits à des taux élevés avec des différés de remboursements, ce qui augmente les charges d’intérêt. Est-‐ce par peur de manquer d’argent ? Ou… pour plaire au banquier ? L’actuel président de Région n’a pas de véritable stratégie de financement par emprunts, il ne maîtrise pas les fondamentaux de la négociation dans ce domaine, ce qui lui importe, c’est de disposer d’importantes sommes d’argent à dépenser, quels que soient les coûts supportés par la Collectivité. Encore faut-‐il savoir gérer cet argent…
2. Une incapacité à gérer la trésorerie
A la mairie de Fort-de-France, la CRC relève qu’ entre 2004 et 2010, « de manière chronique, la trésorerie connaît de la tension ». A la Région dès 2011, elle relève, « une mobilisation forte de l’emprunt, qui s’est produite peut-‐être prématurément ». Des emprunts souscrits à des taux d’intérêt relativement élevés servent à alimenter « la trésorerie qui se situe alors à un niveau élevé ». Dans les deux cas, les délais de paiement des entreprises fournisseurs sont anormalement longs : 105,3 jours à la mairie contre 45 jours de délai légal.
A la région, « depuis 2011, des dettes importantes vis à vis des fournisseurs d’immobilisation (20 M€ en 2011 et 28M€ en 2012) permettent de dégager un besoin en fonds de roulement négatif créateur de trésorerie ».
A la mairie, les entreprises ne sont pas payées car l’argent n’est pas disponible, « insuffisance de trésorerie », à la région, l’argent est disponible, les emprunts sont mobilisés trop tôt, la trésorerie est abondante, mais les entreprises ne sont pas payées non plus !
Les deux cas confirment une mauvaise gestion de la trésorerie!
3. Des similitudes troublantes dans les politiques d’embauche.
En 2011, la CRC constatait que « les dépenses de personnel de la ville de Fort-‐de-‐France sont toujours nettement supérieures à la moyenne nationale » et que « la masse salariale continue à augmenter ». A la Région, « le recrutement de cadres de haut niveau s’est fait surtout par le biais du recours aux contrats » avec de hauts salaires négociés et différenciés. La CRC relève une inadéquation, entre les effectifs budgétaires et les effectifs réels, que la collectivité est invitée à corriger « afin de respecter le principe de sincérité des prévisions budgétaires ».
On peut s’interroger sur les véritables objectifs de telles embauches à la Région quand on sait qu’en 2015, la Collectivité Unique devra absorber les salariés de la Région et du Département et qu’une nécessaire rationalisation des services s’imposera.
4. Une propension naturelle à dégrader les résultats des collectivités gérées A la mairie, la CRC note « des résultats comptables souvent négatifs entre 2004 et 2010 ». La CRC « s’interroge toutefois sur le caractère durable de cette amélioration » constatée en 2010. (Serge Letchimy est devenu président de la Région en mars 2010). A la Région, la CRC note que la « Capacité d’autofinancement pour 2012 est de 51 M€, tendanciellement en baisse, en raison de la diminution du résultat et de l’augmentation de l’amortissement (remboursement) du capital de la dette contractée en 2011, à partir de 2012. Se plaçant dans la perspective de la mise en place de la Collectivité Unique formée par le département et la région, la CRC indique : « qu’il apparaît donc que ces collectivités n’ont globalement plus de grandes marges de manœuvre pour le recours à l’emprunt et doivent impérativement se coordonner sur ce sujet ».
Pourtant Serge Letchimy, envisage une montée en charge progressive du recours à l’emprunt, il faudra donc que les citoyens reprennent la main pour donner un coup d’arrêt à ce modèle de gestion et empêcher que la Martinique déjà au bord du gouffre, n’avance davantage.
Danielle BORIEL