Les Antilles à travers le prisme d’un journaliste catalan…
LKP. Dans l’imaginaire français, ces initiales semblent faire allusion à quelque groupuscule indépendantiste d’extrême gauche. Il signifie simplement Liyannaj kont Pwofitasyon, c’est-à-dire, Ensemble contre l’Exploitation, en créole de la Guadeloupe. Les Français ne s’étonnent pas que les habitants de la Guadeloupe parlent créole, trouvent plus curieux qu’ils l’écrivent et qu’ils osent l’utiliser pour exprimer des revendications et organiser des grèves générales. Le créole, en Guadeloupe, Martinique ou l’île de la Réunion, est parlé par l’immense majorité de la population, mais une langue régionale comme les autres n’est rien d’autre qu’une langue presque exclue de l’enseignement et de la vie publique. Beaucoup de blancs parlent créole, et surtout les descendants des familles aristocratiques implantées aux XVIIes siècles et XVIII, ceux qu’on appelle békés, qui sont, e core aujourd’hui, les maîtres de l’île. Ces grandes familles, qui semblent prendre beaucoup de soin à ne pas laisser entrer de sang noir dans l’arbre généalogique, représentent 1% de la population et contrôlent plus de la moitié de l’économie locale : plantations, postes d’essence, supermarchés, chaînes d’hôtels… Ces derniers derniers, beaucoup de reportages ont montré les descendants des colons traiter leurs ouvriers noirs avec un paternalisme à peine allegé par la conscience que le XXIe siècle devrait changer quelques choses. Jusqu’il y a quelques jours, personne en France ne semblait surpris par cet état de fait, et il leur a fallu deux bonnes semaines de grève générale pour que la presse parisienne s’intéresse vraiment à un mouvement social historique. Aujourd’hui, après un mois de grève et de quelques promesses présidentielles, il ne semble pas que quelque chose puisse changer le fond des choses. La Guadeloupe continue à avoir vingt-deux pour cent de la population au chômage, et tient grâce aux subsides énormes que l’État consacre aux confettis de l’empire, en maintenant chacun de ces territoires sous perfusion, en échange de la tranquilité sociale et de l’immobilisme. Ces subsides n’évitent plus que les prix des produits de base soient plus chers là-bas que nulle part, comme si les chefs de clan qui contrôlent l’économie savaient obtenir quelques aides de l’État qui ne se répercutent nulle part ailleurs que sur leurs comptes bancaires. Jacques Chirac, en son temps, avait été particulièrement proche des chefs de clans de ces îles, aux quels il faut inclure la Nouvelle Calédonie et Tahiti. Nicolas Sarkozy, tout à coup, semble avoir découvert que nulle part ailleurs que dans ces vitrines aimables du tourisme d’outre-mer règne l’inégalité structurale la plus archaïque. Il l’a découvert et, comme toujours, il veut y mettre remède. Tout fait penser, cependant, que, après quelque concession imposée par la médiation du gouvernement, les maîtres de la Guadeloupe continueront à se rencontrer pour rappeler les vieux tempss où la population noire savait quel était sa place.
Article original en catalan http://www.elpunt.cat/noticia/article/-/-/9396.html