La Présidente du Conseil régional de #Guadeloupe Josette Borel-Lincertin réagit à la diffusion de l’émission Enquête Exclusive consacrée à l’archipel…
A l’attention de M. Nicolas de Tavernost
Président du Directoire
Sis 89 avenue Charles de Gaulle,
92575 Neuilly-sur-Seine Cedex.
Réf : PCR/DIRCAB/DIRCOM/BF-
Monsieur le président du directoire,
C’est en tant que mère de famille mais aussi présidente de Région que je vous interpelle à la suite de la diffusion sur vos antennes de l’émission Enquête exclusive « Police et gendarmes : alerte en Guadeloupe », le 16 février dernier.
S’il est vrai que j’accorde le plus grand respect à la liberté d’expression de la presse et à son droit de relater les faits, je me dois de vous faire part de l’indignation de mes nombreux compatriotes et élus suscitée par le contenu de ce reportage de M. Bernard de la Villadière.
La Guadeloupe souffre, M. de Tavernost, et ses enfants les premiers, de ce mal qui gangrène nos sociétés de l’Hexagone et d’Outre-mer, nous n’avons pas d’exclusivité en ce domaine. Cependant, la nature et l’expression des violences perpétrées dans notre département méritent un traitement moins voyeuriste, une description moins factuelle et une approche sociale plus sensible et analytique allant au-delà d’une simple comptabilité macabre. Je prendrai à témoin, cet effroyable drame familial où un père a arraché à la vie, cinq membres de sa famille, sans que les raisons ne soient à ce jour connues.
Votre politique éditoriale aime se targuer d’appuyer « là où cela fait mal ! ». Vos journalistes revendiquent même au nom de la concurrence un style aux limites de l’exagération. Au nom de l’audimat, vous faîtes fi de la critique et annoncez même que c’est le prix à payer. L’information a-t-elle atteint ce niveau de cynisme que l’humain et la décence peuvent y être broyés sans souci ?
Vous avez souhaité montrer le quotidien des forces de police et de gendarmeries, mais le profil de la jeunesse croisée et pointée du doigt tout au long de vos images violentes, macabres et carnavalesques, tournées en dérision, ne saurait valoir pour l’ensemble de la jeunesse de notre archipel.
En jetant ainsi l’opprobre comme vous l’avez fait sur la jeunesse guadeloupéenne, sans donner la parole à celle qui gagne, qui entreprend et qui au quotidien se bat pour atteindre l’excellence en intégrant des établissements comme Science Po et des écoles d’ingénieurs ou en développant des procédés innovants, vous avez laissé un goût amer à ceux qui aiment la Guadeloupe et qui se battent sans relâche pour sa réussite.
Votre souci de prise à témoin du téléspectateur averti dès le début d’un programme déconseillé aux moins de 10 ans, le plonge d’emblée dans une atmosphère de tension alimentée par une effusion d’images violentes, sanglantes, servies par une utilisation à outrance de vidéos de télésurveillance, de sources privées, qui à notre sens auraient dues constituer des éléments susceptibles de faire progresser les investigations des forces de police ou de gendarmerie plutôt qu’une vitrine choquante du déchaînement de certains individus contrastant sévèrement avec celles de touristes en vacances présentés comme inconscients du danger qui les guette.
Monsieur de Tarvenost, sur plus d’une heure de reportage, je suis au regret de constater et de vous dire que le compte n’y est pas. Les maigres tentatives pour apaiser la volonté de stigmatisation de notre société ne rendent pas justice à notre île et ne reflètent pas la réalité dans sa totalité.
Je déplore d’ailleurs le choix de ne pas avoir interrogé d’élus ou de politiques, fustigés par certains de vos interlocuteurs et pointés du doigt lorsque l’on décrit une Guadeloupe abandonnée, un climat explosif dans un décor de cliché pour ternir encore un peu plus l’image de la « carte postale ».
Souffrez que nous puissions un jour avec vos équipes vous montrer un autre visage de la Guadeloupe à peine effleuré dans votre reportage : innovante, créatrice et soucieuse d’éviter à sa population et surtout à sa jeunesse le sombre dessein dans lequel votre émission l’a, à tort, circonscrit.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le président du directoire, l’expression de ma parfaite considération.