Cette volte-face des partis de la droite est extrêmement grave, et je vais te dire pourquoi.
1) la Peur du « Qu’en dira-t-on »
Les partis de droite disent – à voix basse – qu’ils ne peuvent pas appeler à voter NON le 24
janvier parce qu’on pourrait dans ce cas leur dire qu’ils sont frappés d’immobilité, de
conservatisme, qu’ils sont rétrogrades, qu’ils ne veulent pas avancer dans le sens de l’histoire.
En quelque sorte ils se sentent piégés par la surenchère d’en face, et obligés de faire un geste.
Même si ce geste est le pire qui soit, et qu’il nous verse dans le fossé.
Alors ces partis de droite se contorsionnent à douleur pour expliquer que ce qui avait motivé
leur NON en 2003 a disparu en 2010, qu’il n’y aurait plus de chat dans le sac, que tous les
doutes qui les assaillaient en 2003 se seraient subitement évanouis, en somme que
l’enchanteur merlin serait passé par là, et par ci, et par devant et par derrière, et qu’il aurait
fait du bon travail.
Plusieurs fois, ami, j’ai écouté ces infinies subtilités, si subtiles qu’aussitôt entendues je les
oublie pour ne retenir que leur fragilité et toutes les précautions oratoires prises pour les
énoncer comme l’autre soir à Ducos, tu t’en souviens je pense….et le fameux : « c’est
difficile de te répondre Joseph !! » lâché devant l’assistance.
Car enfin Miguel, d’autres spécialistes, tout aussi calés que toi me disent que les chats sont
encore plus nombreux dans le sac de 2010 que dans le sac de 2003. Et c’est nettement plus
convainquant que les arguments que tu développes avec tes amis de la droite.
Alors je crois vraiment qu’au fur et à mesure du développement de la campagne vous aurez de
plus en plus de mal à tenir votre position, le pilonnage des canons d’en face se fera trop
puissant et trop précis. Et plus vous prendrez de temps pour faire demi-tour, plus ça deviendra
intenable.
2) La Parole Présidentielle
On sait les partis de droite tous dévoués à la parole présidentielle. Et Sarkozy a prononcé une
sentence mystérieuse : « le statu quo n’est pas admissible ». Ah ! La petite phrase, elle vous
intime l’ordre de faire mouvement sur le champ de bataille, et elle vous colle aux godillots
comme la boue. Dès lors pas question de camper sur la même position qu’en 2003. Ordre est
donné de bouger. A vos ordre mon général ! A la même question qu’en 2003 on apportera une
réponse différente, et si ça vous plait, mon général ce sera oui le 24 janvier, à votre question.
Bizarre, bizarre, ni la Guadeloupe, ni la Réunion n’ont été incités à sortir du fameux statu quo,
si intolérable ici !
Voici donc les partis de droite affublés de 2 boulets : le « qu’en dira-t-on » au pied gauche et
la « parole présidentielle »au pied droit. Mal commode pour marcher droit dans ses bottes !!
Mon cher Miguel, le fameux statu quo, si c’était tout simplement ce qui n’a pas bougé ? C’est
exactement ce que veux dire cette expression.
Et qu’est-ce qui n’a pas bougé depuis 2000 ? 2 choses essentiellement : Un, le refus du
Conseil Régional et du Conseil Général d’utiliser les habilitations prévues à l’actuel article 73
en vue d’expérimenter des adaptations des textes à la situation locale, et deuxio la présence
des indépendantistes au pouvoir.
Si c’était cela le vrai sens de la parole présidentielle, vous pourriez plus facilement réorienter
votre discours, le repositionner, et ainsi rejoindre la position du NON le 24 janvier plus
conforme à vos traditions politiques. En évitant de remettre en selle des indépendantistes en
perdition pour le 10 janvier…. et pour les Régionales en Mars.
Car, tu le sais bien Miguel, les indépendantistes diront qu’une éventuelle victoire du OUI le
24 est la leur, qu’on n’a fait que perdre 7 ans. Vous n’allez tout de même pas voler au secours
de ceux-là même qui, tous les 7 ans nous demandent de quitter la France !!
3) Votre erreur la plus grave
L’erreur la plus grave que vous commettriez, c’est à l’égard du peuple martiniquais. En effet
transformer la Martinique en autre chose qu’un « DEPARTEMENT » est extrêmement
dangereux, car on sort ipso facto du droit commun, de la fameuse « identité législative » qui
nous assure l’automaticité des financements publics.
Or le 24 janvier on nous propose de transformer, par disparition du département (et de la
Région) la Martinique en « collectivité départementale » ce qui n’est pas un Département ! Il
est même possible qu’on nous donne, dans ce cadre, des compétences que nous n’avons pas
demandées !! Et alors à nous de trouver les financements….par les impôts locaux si nous
pouvons, et si nous ne pouvons pas tant pis pour nous.
Imagines-tu l’augmentation vertigineuse des impôts locaux pour compenser la perte des
ressources d’Etat ?
C’est exactement ce que recherche le « clan du largage » qui niche à Bercy, au ministère des
finances, et rien ne dit qu’il ne s’agisse pas là d’une savante manoeuvre de SARKOZY pour se
débarrasser des imprudents qui auront mis le doigt dans l’engrenage. La Guadeloupe et la
Réunion se sont tenues bien à l’écart de ce scénario catastrophe.
Chaque année, il nous faudrait alors batailler dans d’interminables négociations sans que nous
ayons quoi que ce soit en poche pour peser dans les tractations. Nous deviendrions un peuple
mendiant, pour le coup.
Ah ! La belle occasion de tordre le cou aux fameux 40% ! Boum, supprimés d’un trait de
plume et transférés à la collectivité nouvelle. Et le coup serait dur, non seulement pour les
fonctionnaires, mais pour l’économie locale et pour les chômeurs dont le nombre exploserait.
Alors Miguel, pourquoi ne pas attendre tranquillement la réforme BALLADUR, qui, dans 4
ou 5 ans nous donnera une « unique assemblée » tout en restant dans le droit commun ?
C’est la question – grave s’il en est ! – que je te pose, à toi, comme à tous ceux qui conseillent
de voter Oui le 24 janvier.
Car, si l’on a le temps de sortir de la catégorie des « départements » avant la réforme
BALLADUR et s’il est dit, dans cette réforme qu’elle ne concerne que les départements,
nous seront définitivement hors du droit commun. Et poussés vers l’indépendance totale.
Gare !!
C’est là cher ami que le piège nous est tendu, piège qu’a su éviter la Guadeloupe, qu’a su
éviter la Réunion.
Voter NON le 24 janvier et NON le 10 janvier c’est cohérent et nous sommes sûrs de rester
dans le droit commun. Les autres options sont suicidaires.
4) Une Question Psychanalytique
Et puis Miguel Laventure, je vais te le dire comme je le ressens : allons un peu plus loin, plus
au fond, après le droit et après l’économie. Faisons un peu de psychanalyse, descendons dans
les émotions, dans nos émotions :
Qu’est-ce qui est demandé aux martiniquais les 10 et 24 janvier, au-delà des deux questions
officielles ? Cette question non dite, non formulée, mais centrale, est la suivante :
« AIMEZ-VOUS LA FRANCE ? »
Et je crois savoir que l’électorat dit « de droite » et l’électorat socialiste aiment la France, et
qu’ils le diront avec leur bulletin de vote les 10 et 24 janvier quels que soient les avis des
états-majors politiques concernés, et qu’ils continueront à le dire en mars aux Régionales.
Dans la même vibration qui fait que je suis toujours pour l’équipe de France de foot quand
elle affronte une autre équipe, Ils diront comme moi, que j’aime la France pour tout ce qu’est
la France, son histoire, sa littérature, sa liberté, sa démocratie, ses institutions sociales, sa
révolution, ses philosophes, sa science, son rôle humaniste dans le monde…etc.
Et si la France ne faisait qu’attendre, comme une amoureuse, cette déclaration d’amour ? La
lui refuserais-tu Miguel ?
Joseph VIRASSAMY