|
A l’heure, où à bondamanjak on s’interroge sur la nécessité de créer un Prix Romain Bolzinger, le journaliste, réalisateur du documentaire « les derniers maîtres de la Martinique »vient de se faire une amie… |
Monsieur, Il existe un point commun entre le journaliste, l’écrivain et le magistrat : la poursuite du Vrai- qu’on appelle cela objectivité, authenticité ou simplement justice- ; le travail humble et sérieux pour cerner au plus près une vérité toujours complexe. Au nom de cette fraternité spirituelle, je vous ai accueilli l’été dernier à Nice où vous souhaitiez m’interviewer sur les « békés », sujet délicat entre tous. Vous vouliez, disiez-vous, tracer un portrait objectif de ce petit groupe au lourd passé. Et il y avait tant à dire… Qui sont exactement les békés ? Qui sont leurs hommes et leurs femmes, leurs penseurs, leurs artistes, leurs entrepreneurs, leurs honnêtes gens déterminés à résoudre les problèmes au lieu de les envenimer ? Quels rapports entretiennent-il avec les autres occupants de l’île? Quelle vision ont-ils de l’avenir ? Et les jeunes ? Comment réagissent-ils dans un monde en mutation? Qu’est-ce qui est en train de changer chez les békés ? Ma surprise et mon indignation sont grandes en découvrant votre film documentaire tendancieusement intitulé « Les derniers maîtres de la Martinique ». Non seulement vous n’apportez pas les éclairages annoncés, mais surtout, vous faites preuve du plus grand mépris pour l’équité, qui vous commandait de donner la parole à l’ensemble des forces afin que chacun puisse faire son opinion. Au lieu de peindre le groupe béké dans sa diversité, vous focalisez sur une infime minorité, dont vous montez en épingle les pires travers, dans le but évident de faire de vos « Békés » de vieilles crapules cyniques et racistes, passant sous silence les honnêtes gens qui oeuvrent patiemment pour la justice, pour le partage et pour la paix.
Vos « Noirs » ne sont pas mieux lotis. Ces dockers furieux peu différents en somme de ceux de Marseille, ces consommatrices épuisées et soucieuses, comme leurs soeurs de métropole, les croyez-vous suffisamment représentatifs du tissu social de l’île ?
Non, Monsieur. Votre film n’exprime pas la réalité béké, pas plus qu’il ne reflète la société créole plurielle que je connais et que j’ai chaque année le bonheur de mettre en scène au long du Festival Créole que j’ai créé sur la Côte d’Azur.
Vous n’avez pas servi la vérité. Vous l’avez manipulée. Pourquoi ? Surtout, pourquoi maintenant ? Que ce soit par naïveté ou par calcul, vous portez une lourde responsabilité.
Marie-Reine de Jaham
Ecrivain
|