Cinq associations profitent de la visite de François #Hollande président de la République française à l’île de La Réunion pour l’interpeller à propos de la Nouvelle Route du Littoral…
Monsieur le Président,
Vous avez souhaité faire précéder votre visite par celle de votre ambassadeur pour la protection de la planète, M. Nicolas Hulot ; ainsi, vous n’ignorez rien du rejet grandissant de la nouvelle “ route en mer ”. Les inquiétudes nées des transgressions à la démocratie dont ce projet inadapté à notre île a bénéficié jusqu’ici ont déjà suscité douze recours contentieux.
Nous voulons par cette lettre, vous faire connaître les attentes profondes des Réunionnais, dont nous prenons l’avis depuis près de deux ans : en tant que Président, vous avez le pouvoir de redresser les erreurs d’aménagement du passé.
Le franchissement du massif montagneux qui sépare les parties “ au vent ” et “ sous le vent ” de l’île a posé problème aux habitants depuis les débuts du peuplement. A différentes époques, les dirigeants ont cherché à apporter des solutions, toujours par voie terrestre.
La situation dont nous héritons aujourd’hui est tributaire de l’erreur d’aménagement faite en 1959 quand, le train ayant été supprimé neuf ans plus tôt, les décideurs choisirent de privilégier la solution “ par défaut ” que le gouverneur Vauboulon avait amorcée à la fin du 17e siècle. En faisant passer la première, puis la deuxième route littorale, au pied de la falaise, on les a exposées à deux forces naturelles – les effondrements de falaise et la houle marine – qui sont LES causes de l’insécurité de la route actuelle.
Une moitié de solution…au prix fort
Le projet de nouvelle route écarte un danger mais pas le second : ce n’est encore qu’une moitié de solution. Vous admettrez, n’est-ce pas, que s’il faut s’écarter de la falaise parce qu’elle est friable, ce ne peut être en s’exposant davantage aux aléas océaniques et climatiques. En effet, on ne peut faire reposer une route solide sur des fonds marins de même nature volcanique, recouverts d’éboulis et déstabilisés en permanence par la houle. La leçon de Fukushima nous alerte sur notre incapacité à faire face aux conséquences d’un dépassement du risque centennal, dit « calculé ». Ainsi, la route en mer n’est pas sécurisée, malgré son coût.
Il est navrant de constater que ces faux-semblants ont été chaque fois imposés sous l’apparence trompeuse d’une modernité flamboyante, alors qu’ils ne faisaient que répéter – voire amplifier – des erreurs du passé ! Il est en votre pouvoir de donner à cela un cours nouveau : le changement, maintenant !
Soyez certain, Monsieur le Président, que des alternatives terrestres mixtes existent (tunnel et/ou aérien). Il nous faut faire une meilleure part à l’emploi local, notre priorité. Or, la Région promet moins d’emplois (2.500) pour ce chantier en mer de 1,6 milliard € au départ, que la route des Tamarins (5.000) avec moins de 1,1 milliard € à sa réception. Il nous faut aussi veiller à équilibrer nos investissements de long terme : fluidifier le trafic aux entrées de ville – seuls véritables enjeux routiers à Saint-Denis, avec le transit – et initier une filière de transport en commun d’avenir. A l’inverse, la surexploitation des carrières risque de compromettre la protection de nos ressources (eau, agrégats et pouzzolane, énergie) et de notre environnement naturel (gaz à effet de serre, faune et flore, biodiversité). Or, ce sont autant d’atouts compétitifs si nous voulons à l’avenir tourner notre économie vers un tourisme de Nature, forts du classement de l’île par l’U.N.E.S.C.O parmi les joyaux naturels de la planète.
Nous attirons votre attention sur le fait que, dans le financement de ce projet monstre, la part régionale est très déséquilibrée. En effet, les recettes sont fragilisées de tous bords, qu’il s’agisse des dotations transitant par l’Agence pour le financement des Infrastructures de Transport (A.F.I.T) ou des recettes fiscales (F.I.R.T, octroi de mer), surtout si l’assiette fiscale devient instable et pressurée du fait de la crise. Quant à la subvention européenne (151 M €), conditionnée à la réalisation d’un transport en commun, elle est au cœur d’une quasi-escroquerie. Si vous n’y preniez garde, cela vous ferait passer pour parjure après le soutien que vous avez apporté en 2012 à un transport sur rail. En effet, la Région ne disposera plus d’aucun financement pour réaliser les 150 km de Réseau Régional de Transport Guidé (R.R.T.G) promis pour 2020, à la suite de cette route. Sauf à changer de cap, maintenant.
A l’inverse, les dépenses ont déjà crû de près de 50%, avant même le démarrage du chantier. Or l’accord de Matignon 2 ne fera porter qu’à La Région seule, les surcoûts qui s’ajouteront inévitablement par la rareté des matériaux et au fil des travaux sur fonds marins inconnus et exposés aux aléas tropicaux.
La responsabilité de l’Etat est engagée dans un projet à risques
Ce projet met La Réunion dans une impasse financière, technique, sociale et environnementale, au moment où est menacée sa dernière source de richesse, la canne à sucre.
Le simple bon sens fait voir qu’un entêtement à poursuivre dans la direction actuelle serait pour notre île un préjudice dont elle ne se relèverait qu’après des décennies et des décennies. Il est encore temps de reposer les bonnes questions, en remontant le fil des procédures et études, pour corriger les arbitrages hasardeux. On ne compte plus, depuis 10 ans, les conclusions partisanes, les approximations techniques, les vues à œillères et à court terme, les expertises « émotionnelles » …
Nous ne pouvons concevoir qu’un tel fléau participe du gouvernement de la France, au moment où vous préparez pour 2015 la Conférence internationale sur le Climat et alors que les recommandations mondiales vont vers des solutions économiques et énergétiques durables. Monsieur le Président, le pays entier ne peut être décrédibilisé, lors de cette manifestation, par la dénonciation d’un chantier anachronique, dicté par le “ Tout-automobile ” et sa dépendance séculaire à des énergies fossiles !
Pour toutes ces raisons, partagées par de très nombreux Réunionnais, nous vous demandons instamment de veiller à l’intérêt supérieur de La Réunion, en vous gardant de céder aux lobbies. Tant que le chantier n’a pas commencé – les travaux en cours NE SONT PAS ceux de la route en mer – il est de la responsabilité de l’Etat de réorienter le projet vers une solution terrestre sécurisée.
En laissant faire, l’Etat serait responsable en cas de sinistre, contrairement à ce qui s’est passé après la tempête Xynthia, puisqu’il partage la paternité du projet sur le Domaine Public Maritime.
Cette responsabilité sera aggravée par son refus persistant de désigner à temps une Mission d’Expertise Économique et Financière (M.E.E.F), qui a pourtant été réclamée avec force.
Soyez sûr qu’il sera au final moins coûteux d’arrêter cette folie quand il est encore temps de le faire, que de la laisser gangréner non seulement le paysage, mais de nombreux domaines de notre petite et fragile société insulaire.
Veuillez croire, Monsieur le Président, en l’expression de notre sincère considération.
A.T.R-Fnaut
Rasine Kaf, EPI – Collectif Nout Mémoir
Association Initiative dionysienne
Collectif « NON à la NRL »