Bondamanjak

L’Euro, vrai coupable, et absent des débats

 

 Les Guadeloupéens doivent-ils demander le retrait de leur île de la zone Euro ? Depuis bientôt 10 jours, la Guadeloupe fonctionne au ralenti. La grève générale à l’appel du LKP (Liyannaj’ Kont Pwofitasyon) collectif regroupant 49 organisations du monde syndical, politique associatif et artistique  maintien le pays dans un état de tension nerveuse extrême.

La revendication centrale de  200 euros nets pour les plus bas salaires jette de l’huile sur le feu. Si le patronat a répondu niet, la population, première victime des hausses des prix à répétition pratiqués par les commerçants semble majoritairement soutenir le mouvement.

Seulement voilà, dans ces longues négociations entamées depuis le samedi 24 Janvier 2009, jamais le mot Euro n’a été prononcé. Et pourtant, n’est-ce pas là le responsable des maux dont nous souffrons tous ? Depuis l’arrivée de la monnaie européenne en 2000, un formidable basculement psychologique s’est opéré dans l’esprit du consommateur.

Qu’on le veuille ou pas, un petit chiffre aura toujours un effet magique sur notre décision d’achat. Le cerveau humain se méfiera toujours plus d’un prix de l’ordre de la centaine que d’un autre de l’ordre de l’unité. En conséquence, 15,24 Euros ne seront jamais 100 Francs. Pour les professionnels du marketing, le passage à l’Euro est une aubaine. D’ailleurs, ceux qui nous ont vendu à grand renfort de publicité le passage à l’Euro nous ont rappelé avec insistance qu’il ne fallait surtout pas faire de retour en arrière, autrement dit comparer avec le franc.

En conséquence, un produit à 0.99 centimes est perçu comme moins cher qu’un franc.

Or, dans la réalité, nous savons que c’est tout le contraire. 0.99 Euro c’est 6.49 Francs.

Vous apprécierez au passage le tour de passe-passe. De nombreuses étiquettes ont une abondance de chiffres neuf. 0.99, 1.99, 2.99 ou 999.99 Euros, cela s’appelle le prix magique. Autrement dit, celui qui permet de vendre à l’unité supérieure sans éveiller la méfiance du consommateur.  3.99 Euros ce n’est pas 4 Euros, ça y ressemble simplement. L’impact est censé être moins douloureux. Partis de ce principe, depuis 2000, les commerçants s’en donnent à cœur joie et sans foi ni loi, chacun y va de sa petite hausse. Seulement voilà, le consommateur lui ne s’en sort plus. Car il doit composer avec toutes ces hausses, et là je ne parle même pas des impôts nouveaux ou anciens, avec un salaire bloqué depuis trop longtemps. En huit ans, les prix ont augmenté entre 50 et 1500 pour cent selon les produits. Or, à l’époque du franc, une augmentation de 1000 % ne s’observait  que sur une durée de 25 ou 30 ans. C’est dire si avec l’émergence de cette nouvelle devise le rythme de hausse c’est accéléré.

J’ai souvent tendance à dire que la hausse effrénée des prix est la première et la pire des violences de notre siècle. Depuis Bientôt 10 jours, c’est ce malaise qui est en question. Nous payons ici les conséquences de cet appât du gain, de ces petits profits réalisés en douce sur le compte de la ménagère. Chacun pense que l’augmentation qu’il pratique,  noyé dans la masse ne se voit pas. Mais mis bout à bout toutes ces hausses lui rendent la vie impossible.

Je ne vais surtout pas désigner de bouc émissaire. Tous, du marchand de légume au grand distributeur en passant par le marchand de “Bokits” sont responsables de cette course en avant vers un profit toujours plus grand. Car si au début tous ont eu du mal avec les conversions, ils on vite compris saisi tout les avantages d’une monnaie qui permet d’augmenter ses marges sans trop se faire remarquer.  Les participants à cette négociation, et principalement la Région Guadeloupe évoquent des pistes pour faire baisser le pouvoir d’achat. Y parviendront-ils sans poser le problème des effets nocifs de la monnaie européenne ? “Ou ! Ou ! Voici le loup”  chantait l’artiste DJo Dézormo qui avait presque tout vu, sauf que le prédateur en question, en se cachait pas derrière l’Europe, mais dans l’Euro.

 

 

Paul Léo d’Hurville