L'ex-président René Préval, 63 ans, arrive en tête de l'élection présidentielle en Haïti dans plusieurs centres de vote de Port-au-Prince, selon des procès-verbaux affichés mercredi sur les murs de ces centres, au lendemain du scrutin. Celui qui était favori de l'élection, chef d'Etat de 1996 à 2001, obtient 93% des votes dans un centre où ont voté des électeurs de Cité soleil. Ce bidonville était déjà un terrain favorable pour l'ex-président Jean Bertrand Aristide, allié pendant longtemps de René Préval. Dans la banlieue aisée de Pétion-Ville, le candidat obtient 70% des votes dans un lycée. Ces résultats et cette différence entre quartiers pauvres et quartiers aisés sont similaires à des chiffres relevés dans d'autres centres de vote de la capitale. Ils doivent encore être vérifiés par les autorités électorales qui ont commencé dans la journée à récupérer et à comptabiliser électroniquement les procès-verbaux établis dans chaque bureau de vote du pays. Cette opération devrait prendre plusieurs jours. Un deuxième tour sera nécessaire si aucun candidat présidentiel n'obtient plus de 50% des voix. Quelque 3,5 millions d'électeurs étaient appelés à élire également une Chambre des députés (99 sièges) et un Sénat (30 sièges) pour lesquels 1.300 personnes s'étaient portées candidates. La base électorale de René Préval est constituée de la majorité pauvre d'Haïti (8,5 millions d'habitants) qui se souvient des routes, écoles et places publiques créées lorsqu'il était président. "Il est bien parce qu'il ne promet rien, il fait", confie un petit artisan. Le secteur privé haïtien ne voit pas d'un bon oeil en revanche son retour. "C'est un pion d'Aristide" et "il ne contrôlera pas les bandes armées", disent souvent en privé des chefs d'entreprise. Quatre fois reporté en moins d'un an, le scrutin s'est achevé tard dans la nuit de mardi à mercredi après des débuts difficiles, marqués par une vaste désorganisation et des bousculades ayant fait quatre morts et une quarantaine de blessés. Le dépouillement a ensuite été effectué, souvent à la lumière de bougies. Le taux de participation, élevé selon le Conseil électoral provisoire, reste inconnu. Au total, 27.633 procès-verbaux des votes doivent être récupérés par hélicoptères, voitures ou à dos de mulets et acheminés sous escorte vers un centre de comptabilisation électronique à Port-au-Prince, doté d'un logiciel "anti-erreurs". Cette opération devrait durer plusieurs jours. Aucune violence politique n'a été enregistrée lors des élections, contrairement à ce qui avait été craint dans cette petite république tourmentée des Caraïbes, victime de 30 ans de dictature suivie de 20 ans de crises entrecoupées de coups d'Etat. En dépit de la présence de 9.500 Casques bleus et policiers internationaux, l'insécurité reste un fléau en Haïti où circulent illégalement quelque 200.000 armes. Il s'agissait des premières élections organisées dans ce pays depuis la chute le 29 février 2004 de l'ex-président Jean Bertrand Aristide, aujourd'hui exilé en Afrique du Sud.