En publiant de telles images de la femme, « les publicistes et les annonceurs, disions-nous, prennent délibérément une grosse responsabilité : celle de faire vivre les hommes – en particulier, ajoutons-nous aujourd’hui, nos ados qui n’ont pas le recul nécessaire – dans un monde fantasmatique et de provoquer, d’encourager, de justifier et de pérenniser leur violence envers les femmes quand ils s’aperçoivent que dans la vie réelle, celles-ci ne se tiennent pas à leur disposition. »
C’est pour cela aussi que nous avons été très étonnées de voir que dans ce même n° 171 de Créola, la 1e de couverture s’ouvre sur l’extérieur – dispositif assez exceptionnel, donc spectaculaire – et laisse apparaître cette même publicité que nous avions dénoncée. Mais le comble, c’est qu’en plus, tout acheteur-se de votre magazine, quelque soit son âge ou son sexe, qu’il le veuille ou non, acquiert en même temps … un « string » rose !!!
« Trop c’est trop !» Cela aussi, c’est un appel à des sentiments troubles, cela aussi, c’est un vrai « grand n’importe quoi » ! Sous les prétentions à l’humour, au porno soit disant chic, c’est le mauvais goût poussé à l’extrême, c’est la volonté délibérée de provoquer, voire d’agresser et d’offenser. Ainsi, publicistes et annonceurs réaffirment leur prétention – et leur droit – à disposer du corps des femmes comme ils l’entendent, à leur dicter le comportement et l’image à laquelle elles doivent se conformer, donc à les maintenir sous leur coupe et à une place subalterne de la société qui justifie toutes les violences, toutes les exactions.
Certes, nous savons que des sommes astronomiques sont en jeu. Mais n’existe-t-il pas de clause de conscience ? Puisqu’il est patent que les annonceurs et publicistes – ainsi que tous ceux qui les soutiennent – ont déclaré une guerre à la moitié du genre humain (et même à tout le genre humain, puisqu’ils n’hésitent pas, nous l’avons vu, à pourrir les relations entre femmes et hommes), il importe de choisir son camp, et de ne pas brouiller le message; il importe que le contenu de celui-ci ne soit pas contredit par son emballage ! Sans quoi, Madame la Rédactrice en chef, votre éditorial (moins d’une colonne sur un magazine qui en compte … combien ?), pour sensé et bien intentionné qu’il soit, pèsera de peu de poids aux yeux des adolescents que vous voulez édifier et des femmes auxquelles vous vous adressez. Pis, il pourrait passer pour un alibi.
Veuillez agréer, Madame, nos salutations à la fois citoyennes et féministes.
Union des Femmes de la Martinique
Source : http://www.unionfemmesmartinique.com/?article-877-madame-la-redactrice-en-chef-du-magazine-creola