par Julien Frémont
Depuis plus d’un mois, l’Université des Antilles et de la Guyane (#UAG), répartie sur trois pôles (#Guadeloupe, #Guyane et #Martinique), est en crise, le pôle Guyane réclamant une séparation d’avec les deux autres parce qu’elle estime avoir été le parent pauvre de cette université qui existe depuis 30 ans. Il convient cependant de s’interroger, au-delà des revendications parfois justifiées, sur le problème majeur qui affecte l’UAG : l’existence d’un véritable système mafieux qui la gangrène.
Dans un premier temps, il faut sortir de l’aspect guyano-guyanais de la crise qui secoue actuellement l’UAG pour chercher d’autres éléments d’explication à ce qui est en train de se passer. Tout d’abord, on peut se demander pourquoi éclate la crise guyanaise au moment même où Corinne Mencé-Caster, nouvelle présidente de cette université, met en place un audit financier pour instaurer de la transparence, et demande la venue d’une mission d’inspection générale dans l’établissement, ces initiatives étant destinées à faire la lumière sur une gestion qui semble à la nouvelle gouvernance (en place depuis seulement dix mois) particulièrement opaque ? Pourquoi des pièces comptables disparaissent-elles au moment où la gouvernance de l’UAG installe une nouvelle équipe de direction administrative, avec un nouvel agent comptable dont la rigueur n’est plus à démontrer et qui d’emblée, constate que dix millions d’euros restent à percevoir ?
Pourquoi, lorsque la présidente signale spontanément ces faits à la communauté universitaire, cherche-t-on encore à dire que c’est la grève qui permet de les mettre en lumière ? Pourtant, c’est la présidente de l’UAG qui a fait elle-même la démarche de dénoncer ouvertement devant sa communauté ce qui ne va pas, ce qui pose problème, et ce, depuis des mois !
La nouvelle gouvernance de l’UAG a dénoncé ces faits au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, ainsi qu’au Ministère du Budget, en leur demandant de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que toute la lumière soit faite sur ce dossier. Car 10 millions d’euros évaporés, ce n’est tout de même pas rien ! Or, pourquoi tant d’acharnement à empêcher la nouvelle présidente de poursuivre son programme de transparence financière, programme qui l’a conduite à réunir courageusement, le 14 juin 2013, un conseil d’administration (CA) consacré au rapport de la Cour des comptes dont une bonne partie relate la gestion pour le moins opaque, sinon étrange, du laboratoire CEREGMIA. La présidente s’est attachée à faire circuler ce rapport au sein de la communauté universitaire, avec un compte-rendu des difficultés signalées.
Lors de CA de l’UAG, d’éminents élus de ce CA représentant les pôles Martinique et Guadeloupe sont absents, mais donnent curieusement procuration au directeur du laboratoire pourtant gravement mis en cause dans le dernier rapport de la Cour des comptes concernant l’UAG (pas moins de 10 pages sur un rapport qui en comporte une trentaine !), aussi bien d’ailleurs que dans un précédent rapport qui le condamnait déjà sans ambages. La synthèse du plus récent rapport de la Cour a été distribuée à l’ensemble de la communauté, avec les mesures qui seront prises pour enrayer le phénomène, mais sans plus de commentaires.
Comment expliquer que personne ne soit inquiété par la justice alors que de nombreux faits attestent une intense activité à la fois chaotique et pour le moins étrange autour des fonds européens. Y-a-t-il enrichissements personnels et abus de biens sociaux ? Qui se cache derrière une fameuse société G., implantée en Haïti ? Est-il vrai que sa direction est assurée par un membre éminent du laboratoire mis en cause ? Pourquoi les fonds européens qui sont publics devraient-ils servir à financer des factures de 8000 euros (huit mille) pour un seul et même numéro de portable ? Des repas au restaurant pour des sommes astronomiques ? Des voyages de toutes sortes ? Qui, mis en cause dans le rapport de la Cour des comptes, possède des entreprises en Haïti et s’y rend fréquemment? Aux frais de qui, de quelle institution?
Pourquoi le silence des collectivités régionales alors même qu’elles ont des représentants au CA de l’UAG et que ces faits sont explicitement cités dans le rapport de la Cour des comptes que la nouvelle présidente de l’UAG leur a officiellement remis, comme à tous les autres membres du CA? Le CEREGMIA est implanté sur les trois pôles de l’UAG (Guadeloupe, Guyane et Martinique) et la Région Guadeloupe, en 2001, avait la mainmise sur la gestion de ces fonds pour la Martinique. Le rapport est très explicite sur ce point. Qu’en est-il de la société FILIATIS citée par le rapport ?
On sait que d’autres présidents de l’UAG se sont aussi attelés à la question du CEREGMIA. Sans succès ! Si l’UAG est dissoute dans la précipitation, la lumière ne sera jamais faite sur ces questions qui engagent pourtant des millions d’euros de fonds publics et ce, depuis plus de quinze ans. Pourquoi les pouvoirs publics eux-mêmes ne prennent-ils pas leurs responsabilités et ne font-ils cesser ces activités illicites qui n’ont rien d’universitaires ? Que fait l’Etat dans cette affaire ? Les ramifications de cette véritable mafia, dont le « Parrain » est connu de tous, se sont étendues en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et en Haïti par « filleuls » interposés lesquels appliquent exactement les mêmes méthodes, comme cela a été dénoncé dans une lettre ouverte récente d’un maître de conférences en Sciences économiques sur le pôle Guadeloupe.
Plusieurs questions, pour l’instant, peuvent déjà être posées :
Pourquoi l’Etat ne fait-il rien pour arrêter le système mafieux mis en place par le directeur de ce laboratoire qui gangrène l’UAG depuis tant d’années ? Qui protège-t-on ? Qui est à l’œuvre pour protéger qui ? Que craint-on de découvrir ?
JF