Par Francis Carole
Ainsi, pour la seconde fois, le président de la Région #Martinique annonce, par courrier au proviseur du lycée Schoelcher, le renvoi à décembre 2014 de la mise à disposition du lycée de transit, à l’ex-Maternité de Redoute. Cette échéance reste cependant aléatoire et, après les deux couacs précédents, la communauté scolaire n’est pas à l’abri d’un possible tweet annonçant, à la fin de l’année, un énième report…Quant à la livraison du lycée Schoelcher reconstruit, elle serait prévue pour 2018…
Si -par bonheur- la perspective de 2018 était tenue, cela signifierait qu’entre la décision de reconstruction du lycée Schoelcher et l’achèvement des travaux, il aura fallu pas moins d’une quinzaine d’années ! Ces contretemps successifs et les dérives financières qu’ils génèrent se veulent l’illustration parfaite de la politique irresponsable et démagogique de Serge Létchimy sur ce dossier. Ils révèlent aussi un mode de gouvernance partisan et revanchard, préjudiciable aux intérêts de notre pays et des Martiniquais.
UNE MANIPULATION DE L’OPINION PUBLIQUE SAVAMMENT ORCHESTRÉE
Rappelons, en effet, que c’est en 2002 qu’un diagnostic de structures et de stabilité aux séismes finissait de convaincre la majorité régionale d’Alfred Marie-Jeanne que la seule alternative viable consistait à reconstruire le lycée Schoelcher.
Cette décision était validée par le conseil d’administration de l’établissement le 23 mars 2004 et dès 2006 un concours d’architecture était lancé. Le mardi 29 juillet 2008, la région entamait la destruction du bâtiment G, avec un permis de démolir accordé par la Mairie de Fort-de-France. Le bâtiment G (ex-internat) représentait un « péril grave » pour la communauté scolaire, à la suite des dégâts causés par le séisme de novembre 2007; qsa fréquentation avait été interdite par la Commission de Sécurité.
C’est pourtant dans ce contexte qu’une vaste opération de manipulation de l’opinion publique fut planifiée et mise en œuvre par le néo-PPM, au détriment de la sécurité des élèves, des enseignants et des autres personnels de cet établissement.
Cette campagne, puissamment relayée par une certaine presse, s’articula d’abord autour de la banalisation des risques sismiques auxquelles se trouvaient exposés les usagers de l’établissement. « Le progressiste », journal du néo-PPM, exprimant à ce titre les positions officielles du parti, prit évidemment sa part à cette action de propagande mensongère et irresponsable.
Dans son éditorial du 4 juin 2008, pompeusement intitulé « De l’appui parasismique », c’est Didier Laguerre, premier secrétaire du parti qui écrivait :
« J’invite les Martiniquais à se souvenir du 29 novembre 2007, de ces vieux bâtiments du lycée Schoelcher que l’on veut démolir pour de sombres raisons, qui curieusement ont résisté, lorsque d’autres plus modernes, récents et parasismiques ont dû fermer de longues semaines durant ».
Ces propos, extrêmement dangereux, seront repris dans le même « Le progressiste », en particulier par une conseillère municipale néo-PPM de la ville de Fort-de-France.
Or, ceux qui se sont donnés la peine d’étudier l’histoire de ce lycée savent que dès1950, Jacques CHEVALIER, alors proviseur de cet établissement, en notait déjà les fragilités dans un rapport :
« De nombreuses galeries, ceinturant les étages, sont soutenues par des colonnes. Leur armature de fer a rouillé en maints endroits et fait craqueler les revêtements de ciment ».
Au lendemain du tremblement de terre du 19 mars 1953, le proviseur en place, R. SEGUIN, adressait au ministre de l’Education un courrier révélant l’impact du phénomène sur les bâtiments :
« J’ai l’honneur de vous rendre compte que le séisme ressenti à Fort-de-France le 19 mars 1953, de 04 h 30 à 04 h 31 environ a causé des dégâts au lycée Schoelcher. Tous les joints de dilatation placés entre les différents corps des bâtiments ont éclaté et sont à reprendre […]. Des murs de remplissage ont été fissurés, leur consolidation est à envisager… »
Peu importait aux propagandistes du néo-PPM ! Il fallait manipuler l’opinion, surtout à l’approche des élections régionales de 2010 !
Le second volet de cette campagne odieuse consistait à faire croire que l’enjeu de la reconstruction du lycée Schoelcher n’était pas la sécurité des usagers mais la volonté d’effacer le nom de Victor Schoelcher de la mémoire martiniquaise. Cette basse manœuvre fut confiée à une historienne, responsable du patrimoine de la capitale, qui, lancée dans un véritable délire anti-patriotes, en oublia vite les précautions méthodologiques et les obligations éthiques de sa discipline pour se mettre, corps et âme, au service d’une cause douteuse.
Dans France-Antilles du vendredi 5 septembre 2008, elle écrivait :
« Il ne s’agit pas seulement de résoudre un problème de vétusté et d’absence de conformité aux normes actuelles parasismiques et bioclimatiques. Cela s’apparente plutôt à une volonté d’effacer une certaine mémoire, une certaine histoire, celle de l’émancipation par l’éducation des humanités et certaines valeurs et principes dont celui de la fidélité et de la filiation, depuis Toussaint Louverture jusqu’à Aimé Césaire en passant par Victor Schoelcher… »
Elle se faisait ainsi la porte-parole zélée et sans principes de ceux qui, dans l’inénarrable « Le Progressiste » du mercredi 17 septembre 2008, accusaient « les néo-nationalistes, révisionnistes, négationnistes » de vouloir « effacer du fronton du lycée le nom de Schoelcher » et même « le nom de Schoelcher de l’histoire martiniquaise ».
Avec la distance, chaque citoyen jugera du niveau de perfidie de ces attaques.
DES COÛTS QUI EXPLOSENT
Où en sommes-nous aujourd’hui, quatre ans après l’arrivée à la tête du conseil régional de la « nouvelle gouvernance » ? Le constat est simple : le lycée Schoelcher reconstruit qui aurait dû déjà, en 2014, accueillir les jeunes Martiniquais, dans un cadre sécurisé et plus adapté aux réalités pédagogiques de notre époque, est envisagé -si tout va bien- pour 2018 ! Même le lycée de transit annoncé avec tambours et trompettes pour la rentrée 2013 ne sera pas au rendez-vous de la rentrée 2014-2015 !
Ce sont ainsi des centaines d’élèves, d’enseignants, de personnels administratifs et techniques qui, au moment même où nous écrivons ces lignes, se voient contraints, en raison de manœuvres politiciennes, de travailler dans un établissement dont le diagnostic de 2002 révélait les dangers pour les usagers.
D’autre part, les choix essentiellement politiciens et irresponsables du président de région conduisent à une explosion des coûts de reconstruction de cet établissement scolaire. Après la manipulation, ce sont donc l’incompétence et la gabegie qui se sont installées.
En effet, le coût total de la reconstruction du lycée Schoelcher (conception, démolition, reconstruction, maîtrise d’œuvre) avait été chiffré par l’équipe d’Alfred Marie-Jeanne à 59 653 000 euros. Il faut désormais y ajouter 29 millions d’euros pour la réhabilitation de l’ancienne Maternité (27 millions en autorisation de programme + 2 millions en bons de commandes). Notons que le président de région ne sait pas précisément ce qu’il fera par la suite de ce lycée de transit : tantôt il parle de le transformer en internat d’excellence, tantôt il fait état d’un foyer pour personnes âgées.
En outre, plusieurs avenants au projet de reconstruction de Victor Schoelcher, exigés par Létchimy, ont déjà porté le prix de la maîtrise d’œuvre de 4 à 5 millions d’euros (soit une augmentation d’honoraires de 17,65%). Ainsi, quand on additionne ces 30 millions aux 59 653 000 euros prévus au départ, le coût total de l’opération de reconstruction du lycée Schoelcher se monte à près de 90 millions d’euros, soit une augmentation de 50%, sans même prendre en considération la nécessaire actualisation des prix d’ici à 2018 (environ 2% par an) due au coût de la vie.
En définitive, la situation semble échapper totalement au contrôle du président de région, désormais lancé dans une folle navigation à vue et n’ayant plus ni la maîtrise du calendrier des travaux,ni la maîtrise de leur coût global.
Combien coûtera en définitive à la collectivité -et donc aux contribuables- la stratégie de manipulation entamée depuis 2008 autour de la reconstruction du lycée Schoelcher ? Est-il moralement acceptable que, pour de basses raisons politiciennes, des centaines d’usagers , en majorité de jeunes élèves, aient continué et continuent à fréquenter quotidiennement un établissement dont la dangerosité est avérée