Manno mouri ! Manno mò ! La nouvelle a fracassé des personnes, partout dans le monde. Parce que Manno n’était pas n’importe qui. Manno n’était pas n’importe quel chanteur. Manno n’était pas n’importe quel homme politique. Manno sété an jan moniman. Manno mò é nou tris.
Il avait très tôt tenu tête au Duvaliérisme et à ses macoutes. Ses textes les piquaient. Ses textes donnaient un peu de lumière aux « sans-dents » de son pays, écrasés par la bourgeoisie, les églises et le pouvoir. La vie de quelqu’un qui chantait Ayiti pa forè pour stigmatiser l’armée haitienne (les léopards) ou encore « Reyaksyonè soudévlopé yo sa pi danjéré » (les réactionnaires sous-développés sont les plus dangereux) était réellement en danger. Il avait dû s’exiler vers des terres froides et lointaines pour rester en vie.
La chute de Bébé Doc lui avait donné l’espoir et il était rentré au pays. Il croyait pouvoir apporter sa pierre. L’arrivée d’Aristide, évinçant la clique militaire, ces fumeux léopards Cédras en tête, qui l’avait si souvent mis en prison et finalement contraint à l’exil en Argentine, avait été vécue comme un credo. Il avait la volonté de participer à la création d’un monde nouveau, d’une Haïti nouvelle. Il s’était engagé dans la politique, an bagay si telman sal. Il était devenu maire de Port-au-Prince (1995-1999). L’expérience Lavalas le détruira moralement. Le cancer des poumons va l’achever physiquement, lui qui fumait tellement.
Exilé à Miami, il est mort le 10 décembre, loin de sa terre, le jour même où on célèbrait partout dans le monde les Droits de l’Homme. Comme un signe.
A lire
« Manno Charlemagne Pou lavi Fleuri »
Soukar, Michel,
Ed. C3 éditions, Port-au-Prince, 2016, 109p.