Discours de Louis Boutrin, Lancement de Martinique Ecologie
Mesdames et Messieurs,
Mes Chers (es) amis (es),
Nous voici donc réunis en un moment solennel.
La création d’un parti politique est une cause noble. Certains avaient émis l’idée d’un parti écologique il y plus de 12 ans, sans pour autant pouvoir la sceller. Aujourd’hui, la situation sociale, économique et environnementale du pays nous impose de relever le défi.
Le pays, sans gouvernail, s’est en effet installé dans une triple dérive :
– Dérive financière où le consumérisme a progressivement grignoté les modes de consommer, de produire, de penser martiniquais. Cette situation qui est aujourd’hui accompagnée d’une forte tendance à l’affairisme, se concrétise par une dilution du nationalisme économique.
– Dérive économique avec une croissance portée par la consommation, elle-même dopée par les importations, ce mode de fonctionnement a installé le pays dans une parfaite allégeance à l’extérieur.
– Dérive environnementale avec une course à la productivité qui met en péril notre patrimoine naturel, notre seule richesse : vente à l’encan du foncier, dépendance accrue aux énergies fossiles, pollution de nos terres, de nos rivières, de notre littoral, avec comme corollaire une explosion galopante de certaines pathologies, notamment des cancers, qui mettent en péril notre propre santé.
Alors OUI, les conditions sont réunies. Car face à cette situation à vau-l’eau qui conduira inexorablement à l’implosion de notre Société, il nous faut réagir par un vrai sursaut politique.
Cette décision s’impose d’autant plus que se sont installés subrepticement un establishment politique, une philosophie de la pensée unique qui nous enferment dans une certaine fatalité.
Alors OUI, Mesdames et Messieurs, Chers (es) amis (es)
Nous voulons nous donner les moyens d’apporter un nouveau souffle, de nouvelles ambitions pour ce pays-nôtre, en créant Martinique Ecologie.
Pourquoi « Martinique écologie » diront certains ?
Pourquoi opter pour l’écologie ! Certains pourront croire à un effet de mode à un moment où le concept de développement soutenable a fini par se hisser au rang des priorités universelles. Peut-être ? Mais c’est surtout parce que l’écologie est par essence politique.
Ecologie Politique, cette science qui devrait nous permettre de manière concertée, et au nom de l’intérêt général, de créer des outils novateurs pour réguler notre relation avec ce petit bout de terre, avec notre environnement naturel. Cela devrait se traduire certes par une politique de l’environnement, mais aussi en une politique de l’aménagement du territoire intégrant l’urbanisme, le logement, la politique agricole, l’énergie, les transports publics, la prévention des risques majeurs …bref en un nouveau modèle économique et social.
Les dégradations de l’environnement, le sacrifice de nos magnifiques paysages, les crises environnementales successives, (crises qu’il ne faudrait pas résumer au seul scandale du Chlordécone), les catastrophes technologiques, sont l’expression d’un certain modèle politique et de son pendant économique : l’ultra libéralisme.
La course aux profits, le Tout Economie se sont en effet traduits par une exploitation voire une destruction de la richesse environnementale. Pire, ils se sont accompagnés d’une profitation de l’Homme par l’Homme, un enrichissement des plus nantis, et une marginalisation croissante des plus démunis.
C’est dire que l’Ecologie Politique nous apparaît aujourd’hui comme L’ANTIDOTE du poison ultra-libéral qui gangrène notre Pays. Elle prend toute sa signification en Martinique où s’impose la mise en valeur de nos deux seules richesses : les Hommes et les Femmes d’une part et notre patrimoine environnemental d’autre part.
Est-ce à dire pour autant qu’il faille créer un Parti Politique ?
La question est d’autant plus pertinente qu’il existe sous nos cieux, le MODEMAS (Mouvement des Démocrates et des Ecologistes pour une Martinique Souveraine). Nous saluons le travail d’éveil des consciences effectué par cette organisation politique créée en 1991. Cependant, après 20 ans d’existence, un constat s’impose : il reste encore beaucoup à faire et une nouvelle génération, avec une autre vision du pays, une autre sensibilité, a décidé de remplir également cette mission !
Mais alors pourquoi créer, malgré tout, un nouveau mouvement politique ?
Il y a ceux qui ont rejoint les rangs de l’écologie en empruntant les voies de l’environnement, les chemins associatifs, ou le simple sentier lors d’une ballade en pleine nature.
Il y a encore ceux qui contribuent à la sensibilisation de la population et de l’élite politique par le biais de cercles de pensées et d’idées.
Et il y a aussi ceux qui à la suite de trajectoires multiples souhaitent pouvoir de manière plus concrète participer à l’élaboration et à la mise en œuvre de projets et ainsi participer à la construction de la Martinique.
C’est toute l’ambition de Martinique Ecologie. Martinique Ecologie se veut être le fruit, le creuset d’expériences à la fois citoyennes, associatives ou politiques, de cheminements d’Hommes et de Femmes aux parcours variés.
Il s’agit, dans le cadre de ce mouvement, au-delà de l’amour de nos forêts, de notre littoral, en bref du respect de la nature ou de l’environnement, de créer un nouveau rapport entre nous et notre patrimoine environnemental. Pour cela, il nous faudra trouver les outils novateurs qui, tout en préservant ce patrimoine, nous permettront d’en faire une source de richesses et d’emplois.
En un mot, mettre la nature, avec parcimonie, au service de notre épanouissement économique et social.
Un Parti Politique sur quels fondements ?
Mais ces objectifs doivent impérativement s’inscrire dans une démarche basée sur UN FONDEMENT : L’Ethique… une espèce en voie de disparition en politique ! Qui fait malheureusement de plus en plus défaut !
Au-delà de sa définition littérale, nous appelons éthique, ce pacte entre citoyens de ce pays-nôtre,
Mais aussi, ce respect de la parole donnée,
Ce respect des engagements politiques,
Cette cohérence entre la pensée et l’action.
Cette question de principe nous renvoie à une triple dimension de l’écologie politique :
1. Celle que nous pourrions qualifier d’Ethique de la responsabilité.
Nous appelons Ethique de la responsabilité, l’obligation de répondre devant les générations actuelles et à venir de la préservation du patrimoine que nous avons reçu de nos parents, à savoir la responsabilité de valoriser ce patrimoine.
Cette éthique de la responsabilité passe également par le respect de deux principes incontournables :
– D’abord, le respect du principe de non cumul des mandats : pas plus de deux mandats politiques par élu. Sont visés, les mandats électifs mais aussi communautaires. Ni twop moun ki kapab réfléchi adan péyi-tala pou sé an sel moun ki ni an lanmen’y manda mè, manda konséyé jénéral, ek menm prézidan la CACEM, prézidan la CEAS oben la CCNM.
– Ensuite, le respect du droit des générations à accéder aux postes électifs. En un siècle la Ville-Capitale n’a connu que … 2 maires (Victor Sévère et Aimé Césaire) ! Fok nou fè débouya sòti adan kalté larel-tala. A Martinique Ecologie, nous disons : pas plus d’un seul renouvellement par mandat. An moun andwa rinouvlé manda’y an sel fwa. Kontel, an mè ki té enkapab otjipé di komin-li pannan douz lanné, pé ké fè’y si i trapé an twaziem manda. Fok i pèmet dot kandida, an nouvo jénérasion pòté flanbo-a.
2. Il y a aussi l’éthique de la souveraineté.
Atteindre les objectifs assignés suppose la maîtrise d’un certain nombre de leviers politiques et juridiques.
Les perspectives d’un nouvel outil institutionnel, à travers une Collectivité unique adoptée le 24 janvier 2010 par 68,33% des électeurs, est un choix que nous respectons. Mais elles ne sont pas suffisantes.
Face à la fatalité politique qui s’est installée, nous devons renforcer la garde pour continuer le travail d’éveil et de conscience effectué par les associations et les organisations politiques, depuis plusieurs décennies, pour l’accession à une plus grande souveraineté, pour l’accession à un meilleur contrôle des outils d’évolution politique, économique et sociale.
3. Et puis, il y a l’Ethique de l’efficacité : la vraie mesure des enjeux doit imposer une obligation de résultats. S’installer au pouvoir, faire carrière en politique ne suffira plus. Il faudra aussi pouvoir et devoir rendre compte.
Pour répondre à cette triple exigence, Martinique Ecologie aura besoin de toutes ses générations, des expertises les plus aguerries comme de celles les plus novatrices pour doper, de manière régulière, la vitalité interne du mouvement. C’est l’engagement de cette irrigation permanente que nous prenons aujourd’hui devant vous.
Un sursaut politique autour de quel projet ?
Car il s’agit de nous mettre au service du projet que nous souhaitons mettre en place pour structurer et consolider le tissu économique et social de la Martinique. Deux objectifs majeurs, je le rappelle, nous animent : la mise en valeur du Patrimoine Humain et la mise en valeur du Patrimoine environnemental. Ces deux objectifs s’articulent autour des quatre piliers de notre projet de développement soutenable qui viennent d’être rappelés, avec brio, par Véronique PAMPHILE (applaudissements) :
1. Quelles sont les pistes pour un meilleur épanouissement social ?
Le Pilier Social. Les données démographiques du pays nous interpellent. Elles sont marquées par :
– une jeunesse qui a la caractéristique paradoxale d’afficher à la fois un très haut niveau de qualification et un très fort taux d’échec scolaire. Dans les deux cas, cette jeunesse a des difficultés à s’insérer sur le marché du travail. Ainsi, le marché de l’emploi se définit par une augmentation du chômage notamment celui de longue durée et un échec retentissant de l’insertion des jeunes : En 2009, on a observé que 61,2 % des jeunes de 15 à 24 ans était au chômage.
– Un accroissement du vieillissement lié à l’allongement de l’espérance de vie et une forte diminution de la fécondité qui situent la Martinique au dessous du seuil de remplacement des générations. Cette situation est d’autant plus inquiétante que le solde migratoire de la Martinique demeure toujours négatif et ce, depuis l’exode massif par le Bumidom.
Ces données nous incitent à reconsidérer les choix sociétaux notamment en matière d’aménagement du territoire, d’urbanisme et de logement, de transports publics maritimes et terrestres, d’offres de service dans le domaine de la santé, des sports, de la culture…
Le Pilier économique. Sera également à reconsidérer le choix de notre modèle économique. Le système actuel a assuré à la Martinique une croissance qui pourrait être enviée par les pays les plus développés de la planète (+4% en moyenne durant les deux dernières décennies). Mais ce système a laissé au bord du chemin près de 20% de la population qui vit en deçà du seuil de pauvreté.
Il nous faut rompre avec ce modèle. Notre conception d’un développement soutenable ne peut pas être compatible avec la profitation ou l’iniquité, sous quelque forme que ce soit !
Le nouveau modèle devra donc passer par une redéfinition des rapports économiques et une meilleure répartition des richesses entre les différents acteurs de l’économie. Une meilleure solidarité.
2. Quelles sont les pistes pour une meilleure valorisation environnementale du pays ?
Le Pilier environnemental. Le système économique qui nous été imposé jusqu’alors s’est traduit par une faible exploitation de nos richesses naturelles alors que paradoxalement on assistait, inertes, et au nom du profit, à une détérioration sourde de ces mêmes richesses.
Dans le même temps, ce modèle exposait le pays et la population, en sus des risques naturels, à des risques technologiques et sanitaires non maîtrisés.
Il s’agit dorénavant de mettre en place un projet alternatif fondé sur une meilleure valorisation de notre patrimoine environnemental : fonds marins et sous-marins, espaces terrestres et sous-terrestres, vent, eau, biodiversité…
Des outils spécifiques seront nécessaires : ainsi, face aux menaces de spéculation foncière, par exemple, et pour assurer plus de transparence sur l’utilisation du foncier agricole, nous proposons la création d’un Observatoire du foncier agricole afin d’assurer cette veille foncière que nous réclamons tous.
Autre exemple… dans notre stratégie de valorisation du patrimoine naturel, nous demandons l’inscription de la Montagne Pelée au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Mais, une telle inscription n’a de sens que si nous associons également l’inscription de la chaine des Pitons du Carbet à ce patrimoine de l’UNESCO depuis le Piton Gelé (Morne Rouge) jusqu’au Piton Dumauzé. Cette chaîne des Pitons s’inscrit dans un corridor écologique avec la Pelée et constitue une réserve de biodiversité tout à fait exceptionnelle. C’est à ce titre que son inscription renforcera le dossier de la Pelée.
Dans le même temps, devront être mis en place des instruments pour anticiper et faire face aux risques qui nous assaillent. Le développement de la culture du risque, notamment du risque sismique, s’impose si on souhaite repositionner la Femme et l’Homme martiniquais au cœur du système.
Pilier culturel. Quatrième pilier : la Culture. Elle est au cœur de notre projet de développement soutenable. En effet, notre projet devra nécessairement intégrer toutes les dimensions de la culture martiniquaise et de la langue créole.
Loin de nous l’idée de croire que nous allons réinventer l’atome. Que nous allons tout révolutionner d’un coup de baguette magique. Que nous partons de rien.
Ce pays possède une histoire où des Hommes et des Femmes ont réfléchi et ont mené des actions structurantes.
Ne perdons pas de vue par ailleurs que notre système fonctionne de manière non étanche avec l’échiquier international. Et que nous restons assujettis aux tribulations positives ou négatives de la sphère mondiale.
De nombreuses réflexions ont été menées en ce sens. Elles constitueront le socle de notre plateforme de travail. Elles s’appuieront également sur le projet prospectif qui s’articule autour du Schéma Martiniquais de Développement Durable et de l’Agenda 21.
Ces orientations prospectives, et par nature évolutives, devront nécessairement être ajustées aux mutations permanentes qu’impose notre intégration au monde financier, économique et commercial mondial.
Voila, en quelques mots ramassés, les principes et les objectifs que nous assignons à notre nouveau parti politique.
Quels outils pour y arriver ?
Pour cela, nous avons mis en place un modus vivendi et une organisation articulée autour de trois outils :
– Un Conseil d’Administration et son bureau que j’ai l’honneur de présider.
– Des sections géographiques dans les différentes zones du Pays.
– Des segments thématiques animés par des experts reconnus et chargés de faire des propositions aux membres du CA
Car, il s’agit moins d’élaborer ou d’enrichir un projet que d’éveiller les énergies créatrices d’une population ! Réinjecter de l’enthousiasme, de l’initiative dans chaque foyer, chaque catégorie sociale, associative et professionnelle.
Les procédures de citoyenneté participative que nous mettrons en place devraient permettre d’intéresser chacun et de responsabiliser chacun, dans chaque commune, chaque quartier, chaque rue, chaque recoin du pays Martinique,
De faire retrouver la confiance perdue.
Il s’agit de redonner du sens à la participation, en un mot redécouvrir la citoyenneté et faire de chaque Martiniquais et chaque Martiniquaise, un citoyen, avec des droits ET des devoirs.
Pour construire un pays sur la puissance de ses forces vives, et sans les appétits affairistes ni les stérilités de l’assistanat et de la perfusion.
Un pays qui fera la fierté des Martiniquais où il fera bon vivre et travailler.
Notre Appel (éco) citoyen
Oui, Chers (es) amis (es), Mesdames et Messieurs,
Oui, nous pouvons créer cette étincelle, cette flamme nécessaire à l’insurrection des consciences
Oui, nous pouvons rassembler toutes ces énergies dispersées, fédérer les bonnes volontés éparses, afin de faire naître dans ce pays-nôtre, une nouvelle dynamique.
Oui, nous pouvons créer ce sursaut politique,
Et, c’est aussi au nom d’une certaine conception de la Liberté, et de la nécessité d’un pluralisme des idées politiques que nous avons décidé de créer, Martinique Ecologie, ce nouveau parti politique que nous vous appelons à rejoindre.
Martinique, le 6 mai 2011
Louis BOUTRIN
Président de Martinique Ecologie