Bondamanjak

Mémoire tronquée

On rapporte que dans les années 50, alors que la RTF (Radio Télévision Française) siégeait au Pavillon Bougenot, près de la préfecture, vivait au pays Martinique une dame aussi belle que bonne, à l’intelligence curieuse, qui répondait au doux prénom exotique d’Anca.

La dame, d’origine roumaine, tombée amoureuse de l’île natale de son artiste de mari, fut émue au point d’aller battre mornes et fonds (au lieu de roussir sa peau laiteuse au soleil) d’où elle ramena force trésors de cette chose qu’on ne nommait point encore culture martiniquaise, dont auquel le tanbou bèlè, Ti Emile et Siméline Rangon…

Mais le temps, qui n’est vraiment pas là quand on a besoin de lui, a passé jusqu’à un moment où, lors du rangement des archives de FR3, un obscur fonctionnaire, souffrant à coup sûr de neurasthénie myxophobique, tomba sur les enregistrements de notre capistrelle moldave et décida, rien qu’à voir les boîtiers, qu’ils n’étaient pas exploitables ; hop ! À la poubelle…

Par une de ces ellipses extraordinaires dont il est le seul à avoir gardé le secret, le temps, qui n’en rate pas une en cette époque d’hyper médiatisation, remet ça ces jours derniers avec ces jeunes martiniquais venus déposer des objets à la décharge et qui découvrent avec effarement un tableau représentant des chevaux en toile de jute et un bois ouvré signés Kho Kho qu’ils réussissent à sortir in extremis du feu… René Corail, père de l’art moderne martiniquais dont tout le monde salue la mémoire… Tout le monde ? Allons bon !

C’est le Carême ; record de chaleur pour cause del Niño sans doute. Les autorités locales prennent un arrêté réglementant la consommation d’eau, pourtant un couple a décidé de laver son auto dans le filet d’eau qui coule à Desbrosses la Vallée.

Je m’arrête : « Bonjour camarade citoyen (il ne répond même pas à mon salut, peut être en ai-je trop fait avec ma familiarité patriote…), tu ne penses pas que tu finis de polluer le peu d’eau qui nous reste avec les produits chimiques que tu utilises ? »

Lui : « Je sais, mé sa’w lé sa fouté mwen, an… »

Comme dit mon pote haïtien : « Sakristen sèvi lan mes, li mouri san batizé ».

Marius Gottin