Trois : les livres d’historiens s’écoulent généralement, à quelques rares exceptions près, entre mille et deux mille exemplaires. Alors, quand ces spécialistes du genre ont appris qu’un simple journaliste, sorti d’on ne sait où, avait atteint, avec le sien, en moins de deux mois, les soixante mille exemplaires, ils se sont étranglés de jalousie !
La pilule n’est jamais vraiment passée chez ces « grands » historiens et leurs amis qui me poursuivent encore aujourd’hui de leur vindicte en se répandant, chaque fois qu’ils le peuvent, sur le net, y compris sur des sites comme amazon pour dissuader les acheteurs potentiels de mon livre.
Ils reprennent, pour tout argument, l’article qu’ils avaient publié contre mon livre, en 2005, dans Le Monde, article auquel j’avais répondu aisément dans le même journal, avant d’engager un procès, gagné depuis, contre les organisateurs du Prix France Télévisions qui, abusés eux aussi par ces messieurs, avaient falsifié leur concours littéraire que j’aurais dû remporter.
D’ailleurs, lors de ce Prix France Télévisions, une historienne bien connue n’avait pas hésité, alors que j’étais en tête des suffrages, à apostropher, pour l’influencer, le président du jury, Bernard Pivot, en disant, je cite texto, que « Noirs dans les camps nazis » était un livre de propagande pour les Noirs.
Imaginez un seul instant ! Si moi, j’avais dis la même chose du livre de cette historienne sur la Shoah, que n’aurais-je pas entendu ? On m’aurait accusé d’antisémitisme, de contestation de crime contre l’humanité, voire d’incitation à la haine raciale, et j’aurais été naturellement vilipendé par toute la presse.
Mais le plus grave, selon moi, c’est que, pour contester mes révélations, ces historiens ont été jusqu’à mentir en affirmant par exemple que les lois de Nuremberg ne visaient que les juifs, et que, du coup, contrairement à ce que j’avançais, les Noirs et les tziganes n’étaient pas concernés par ces textes hitlériens. Tristes fossoyeurs de leur propre profession !
Je ne suis pas, contrairement à ces personnes, dans une concurrence des mémoires ou des victimes, car c’est bel et bien de ça qu’il s’agit. Je crois en réalité, comme beaucoup d’entre vous, que la souffrance des juifs est aussi la nôtre et que notre souffrance est également la leur, comme l’ont d’ailleurs démontré ces activistes juifs qui se sont engagés, aux côtés des Noirs, pendant la ségrégation aux Etats-Unis et l’apartheid en Afrique du Sud. Je pense notamment à Joe Slovo, dont j’ai loué le courage dans mon spectacle Soweto consacré à Nelson Mandela joué en 2008 aux Antilles et au Casino de Paris !
Les attaques de ces historiens et de leurs amis qui, dois-je le préciser, ne représentent fort heureusement pas toute la communauté juive, ont, à l’époque, commencé, curieusement, au lendemain de mon refus de participer à une manifestation pro israélienne.
J’avais été invité, en effet, par le patronat juif de France, à m’associer à l’accueil à Paris, en grandes pompes, d’un… ministre israélien. Je ne comprenais pas le sens de cette invitation, que j’ai aussitôt déclinée, d’autant que je refusais toute récupération, y compris politique, de mon livre.
A cela, s’était ajoutée l’affaire Dieudonné. L’humoriste, dont j’admire le talent mais ne partage pas les points de vue, ne m’avait pas rendu service en exhibant « Noirs dans les camps nazis » devant les photographes, lorsqu’il avait voulu se défendre pour ses propos qualifiant la Shoah de « pornographie mémorielle ».
Je m’étais désolidarisé de ces propos et surtout de l’amalgame qui était fait avec mon livre. Mais cela ne suffisait pas. Le journal Le Monde voulait, en plus de mon communiqué, que j’écrive une tribune libre contre Dieudonné, ce que j’avais évidemment refusé.
Etonnement, quelques semaines plus tard, Le Monde accordait une tribune libre à nos trois « grands » historiens pour assassiner mon livre, avant de reconnaitre, en privé, en catimini, qu’ils avaient été abusés. Il me fallut pourtant batailler ferme, avec mon avocate, maitre Aïcha Condé, et le soutien de journaliste à l’intérieur du Monde, pour obtenir un droit de réponse et démonter point par point la malhonnêteté de la charge contre ce livre.
Je n’ai pas la prétention de croire que mon travail était exempt de tout reproche. Mais, très franchement, au vu de ce qu’on pouvait en dire, il ne méritait assurément pas tout ce tintamarre qu’on n’aurait pas fait, disons le tout net, pour un livre écrit par un journaliste blanc.
Qui, en effet, a relevé les erreurs factuelles qui se trouvent, comme dans tout livre, y compris ceux publiés par des historiens, dans le fameux « Négrologie » qui a pourtant obtenu, un an plus tôt, le Prix France Télévisions qui m’avait été refusé ? Il est vrai que ce livre de Stephen Smith est une charge contre l’Afrique et que cet exercice va de soi, au point que la presse française n’a même pas pris la peine de relayer les protestations africaines contre son contenu.
Je ne remercierai jamais assez Claude Askolovich, journaliste à l’époque au Nouvel Observateur, qui m’a beaucoup soutenu dans ces moments délicats, et aidé à comprendre le fonctionnement de certains dans cette communauté que j’avoue méconnaitre. Même chose pour le journaliste Pierre Assouline, qui n’a pas craint de dénoncer les « intégristes » lancés à mes trousses.
Faut-il le redire cinq après ? Je n’ai pas eu d’autre but, en écrivant « Noirs dans les camps nazis », que de parler de la souffrance des déportés antillais, africains, américains, dont on avait oublié le calvaire. J’ai voulu également, à travers eux, rendre hommage à tous ces soldats noirs, anonymes, occultés et méprisés, qui ont péri sur les champs de bataille d’une guerre qui n’était pas la leur.
Il faut croire que c’était trop demander aux tenants de l’Histoire officielle qui se sont sentis bousculés pour ne pas dire dépassés. Manque de chance pour eux, ça ne fait que commencer !
Serge Bilé
