Par Jean-Jacob Bicep Député européen
Mercredi 27 mars 2013, les députés de la majorité ont voté en première lecture une proposition de loi socialiste visant à mettre fin à une situation étonnante : dans les DOM-TOM, certains produits alimentaires comme les sodas ou les yaourts contiennent bien plus de sucre que leurs équivalents vendus en France hexagonale.
Tout comme le scandale du chlordécone et son cortège de cancers et de retards psychomoteurs, c’est à une autre exception mortifère des outremers français que s’attaque le Parlement.
Retour sur un scandale de santé publique, ou comment les industriels « se sucrent » sur le dos des Français d’Outre-Mer.
Quatorze grammes de sucre dans le Fanta
Le saviez-vous ? En Guadeloupe ou à la Réunion, il y a deux fois plus de personnes atteintes du diabète de type 2, dit gras, qu’en Hexagone. Fait marquant, contrairement à l’Ile-de-France ou à la Bretagne, les femmes ultra-marines sont plus touchées par le diabète que les hommes.
Le soupçonniez-vous ? En Guyane, la canette de soda « Fanta » que vous buvez pour vous désaltérer contient 14 g de sucre, contre 9 g si vous la buvez en Languedoc-Roussillon.
L’accepteriez-vous ? En Martinique, un yaourt aux fruits de type « Petit Filou » et consommé essentiellement par les enfants, affiche 27% de sucres en plus que son équivalent dans l’Hexagone.
Et si ces données sont corrélées à l’explosion de l’obésité infantile en Outre-Mer (25% contre 16%), nous pouvons légitimement nous demander : pourquoi ? Ou plutôt : qui a tout intérêt à rendre nos compatriotes Ultra-Marins obèses et diabétiques ?
Les industriels stimulent l’appétence pour le sucre
L’histoire des départements d’Outre-Mer tels que la Martinique, la Réunion ou la Guadeloupe, est intimement liée à celle de l’exploitation de la canne à sucre. Hier, monnaie d’échange au sein du commerce triangulaire esclavagiste, aujourd’hui, raffinée et transformée en cassonade ou en rhum agricole, la canne à sucre et plus largement le sucre, est devenu prétexte au surdosage de certains produits de consommation courante, comme les sodas ou encore les yaourts.
En effet, les industriels de l’alimentation tentent de nous expliquer depuis des décennies que les Ultra-Marins auraient un goût plus prononcé pour le sucre. Comme si la palatabilité du sucre – l’intensité du plaisir à consommer du sucre- d’un citoyen d’Outre-Mer différait de celle de tout autre citoyen Hexagonal. Comme si l’alliesthésie positive – l’appréciation subjective du caractère attractif d’un aliment en fonction de l’état physiologique interne du sujet – au sucre, d’une Miquelonaise différait de celle d’une Normande. Alors que ce sont ces mêmes industriels qui, en augmentant de manière inconsidérée les concentrations de saccharose, stimulent et renforcent chez les enfants élevés en Outre-Mer, cette appétence pour le sucre.
Risque d’obésité dès le stade fœtal
Pour certaines saveurs, comme la saveur sucrée, le rapport affectif semblerait être acquis très tôt, dès la vie fœtale puis, renforcé par les habitudes alimentaires dans la petite enfance. Donc si une femme enceinte vivant à Mayotte est encouragée à consommer des produits laitiers hyper-sucrés, l’enfant qu’elle mettra au monde, à qui sera proposé par la suite une canette de soda, aura toutes les chances de devenir obèse et de développer une insulino-résistance voire un diabète de type 2. Et cela, juste parce qu’il sera né et aura grandi dans un département d’Outre-Mer.
Les citoyens Français d’Outre-Mer sont trop souvent et depuis bien trop longtemps, les victimes toutes désignées, des intérêts de l’industrie alimentaire. Penser au bien-être et à la bonne santé des populations, c’est repenser nos méthodes de prévention et d’éducation à la santé mais, c’est aussi dénoncer un système productiviste qui n’hésite pas à mettre en danger la santé de nos enfants.
Le texte de loi voté, les teneurs en sucre abaissées, les risques de diabète et d’obésité seront diminués. Quant aux industriels de l’agroalimentaire, ils feront de leur beurre en se sucrant autrement notamment sur les marges pratiquées outremer.