En effet, les Régions autonomes européennes, qu’elles soient espagnoles, portugaises, italiennes ou allemandes répondent à des dispositions encore plus avancées fondées sur le principe de subsidiarité que celles inscrites dans cet article 74 de la constitution Française. Un débat comme celui qui agite la Martinique en ce moment apparaîtrait à coup sur comme surréaliste dans un certain nombre d’Etats européens. L’Etat Français, jacobin dans son essence, cherche à rattraper son retard dans ce domaine de décentralisation et d’autonomie territoriale en lançant différentes tentatives sur ce chantier (Deferre, Raffarin, Balladur). On peut noter que, tout comme en 1983 où les Outre-mer avaient servi d’expérimentation à la transformation des Régions, d’établissement public en Collectivités Territoriales, l’adoption de l’article 74 transformant les Régions d’Outre mer qui se transforment en COM (Collectivité d’Outre Mer) vont initier l’évolution de la France en Etat européen moderne où la question régionale devient centrale.
De ce point de vue, la question de l’appartenance de la Martinique à l’Union Européenne est le prototype de faux problème car non seulement la Martinique doit rester RUP (Région Européenne Ultrapériphérique) mais elle sera en mesure de mettre en oeuvre une dynamique euro caribéenne qui permettra l’émergence une politique originale de coopération dynamique, tant sur le plan économique que culturel en s’inscrivant comme l’interface entre l’Europe et la Caraïbe.
Donc si les Outre Mer peuvent servir de modèle pour l’autonomie des Régions Françaises, c’est bien la preuve que nous sommes dans une démarche d’autonomie partenariale et non pas de rupture. Or les principaux adversaires de l’évolution institutionnelle de la Martinique dans le cadre de l’article 74 s’inscrivent dans une optique désuète et ringardisée de l’autonomie-rupture, anti chambre de l’indépendance.
Dans un monde globalisé ou la dimension locale prend d’autant plus d’importance nous sommes dans une toute autre dynamique, plus ouverte et en même temps plus articulée et qui nécessite en particulier pour nos jeunes, d’envisager l’avenir avec hardiesse, audace et confiance. Tout le contraire de l’attitude des semeurs de peur et de haine dans notre population. Attitude qui ne sert qu’à garantir leurs positions conservatrices de profiteurs et de doucineurs pour la plupart. Or que dit encore le Président de la République, se référant cette fois à Aimé CESAIRE : « Il a toujours opposé la patience au fanatisme, l’entêtement du raisonnement à l’entêtement du préjugé. Il n’a jamais transigé, jamais renoncé à ses principes. Il a fait preuve de cette valeur trop souvent négligée : lecourage, courage de ses idées , courage de ses actes ; portant cette valeur, ne pas courber devant les puissants et faire preuve toujours d’empathie envers les faibles. C’set la leçon de Cesaire. Et Monseigneur MERANVILLE n’en dit pas moins « n’ayez pas peur, la peur paralyse. Elle empêche tout progrès. Elle produit des réflexes sécuritaires qui se traduisent par le repli sur soi même, le refus de la différence, l’impossibilité du dialogue, la crispation sur ses acquis, la hantise de tout changement. La peur ouvre les portes à l’intolérance, à la xénophobie, aux violences injustifiées.
Plus que jamais le moment est venu d’exorciser toutes les peurs qui nous empêchent de construire en Martinique une communauté dont le comportement soit basé sur les principes de Fraternité et de Responsabilité ».
Quelle belle leçon de responsabilité car dans ce que nous devons définir comme le vivre ensemble (article 73 ou 74), la peur du changement traduit le manque de confiance en soi et vice versa. Ce manque de confiance en soi – hérité de la colonisation est un lourd handicap quand on veut se tourner vers l’avenir. Avec l’article 74 nous serons plus impliqués dans la conduite et la gestion de nos problèmes et de nos besoins à nos « intérêts propres ».
Au lieu de nous en remettre indéfiniment à des décisions prises à notre place et loin de nous. C’est la confiance en soi qui nous permettra d’affronter tous les défis auxquels nous serons confrontés. C’est la confiance en soi, cette estime de soi qui dopera notre sens de la responsabilité et notre engagement à vouloir prendre en main les leviers de commande. Nous sommes un peuple créatif, plein de potentialités, il nous faut nous rassembler autour de nos intérêts propres dans une démarche de tolérance et de solidarité et aussi de cordiale hospitalité, car nous sommes une terre d’espérance et d’amitié ; Avec des amis , nous avons lancé un chantier de ce type dans le cadre d’une association « Tous Créoles » qui pourrait être aussi « Tous Martiniquais » afin d’expérimenter des relations nouvelles entre communautés différentes. Malgré toutes les difficultés prévisibles, nous tentons cette expérience d’acceptation réciproque car notre avenir est aussi à ce prix. Il n’est pas question pour moi de dire que tout cela ne serait pas possible dans le cadre de l’article 73, mais il nous semble évident que l’article 74 offre davantage de garantie de pouvoir mettre en place de telles dynamiques fondées sur la dignité, la responsabilité et le respect réciproque.
Enfin, un dernier point me semble capital c’est celui du développement. Des orientations stratégique ont été définies dans le SMDE et l’AGENDA 21 et certains chantiers sont déjà ouverts. Dans leurs grandes lignes, les orientations sont les suivantes :
1 – renforcer le lien sociétal en mettant l’être humain au cœur du projet,
2 – favoriser l’aménagement équilibré et concerté du Territoire,
3 – s’ouvrir à l’international pour participer à sa dynamique
4 – se mettre en capacité de s’adapter au changement.
Ces grands axes doivent structurer un nouveau modèle de développement. Ici aussi, le Président de la République a bien insisté sur la nécessité de créer ce nouveau modèle. Au demeurant les 200 mesures qu’il a retenues lors du conseil interministériel se retrouvent en bonne partie dans le SMDE et l’AGENDA 21. Ce nouveau modèle reposera sur de nouvelles filières permettant d’impulser un développement durable et solidaire avec des pôles d’activités stratégiques, tels les éco-activités, les bio-énergies et tout le volet Economie de la connaissance telle qu’elle est préconisée dans la stratégie de Lisbonne.
Ces nouvelles filières doivent dynamiser d’autres plus traditionnelles telles le tourisme ou la pêche. Mais la vraie problématique sera de disposer sur place d’indispensable leviers de décisions pour s’attaquer plus efficacement aux principaux chantiers comme ceux de l’emploi, du transport et du logement et la protection de l’environnement.
La notion d’intérêts propres s’appliquera ici également avec l’adaptation des formations générales et professionnelles, des politiques d’orientation et de création d’emplois pour nos jeunes. Un tel contexte devra d’ailleurs susciter de nouveaux comportements face au travail avec en particulier l’absolue nécessité de l’effort individuel et collectif.
C’est enfin, un dialogue social permanent devra rassembler les principaux acteurs économiques, les syndicats et les élus afin d’accompagner et garantir cette politique de développement. C’est d’ailleurs sur une citation de Cyrille COMTE du MEDEF que nous conclurons ce volet : « après le temps de l’insatisfaction du statut quo qui s’est manifesté lors de la crise de février, il est maintenant venu le temps du partenariat entre la puissance publique, le Elus, les partenaires sociaux et les Entreprises pour faire face à l’urgence de la situation économique actuelle et faire droit à la promesse du développement économique de la Martinique. Nous les Entrepreneurs de Martinique, sommes disponibles dès maintenant pour faire de ce partenariat une réalité.
Comme on le voit, l’article 74 est celui de l’Autonomie de la Responsabilité mais aussi celui d’une dynamique de décolonisation.
Le dimanche 10 janvier, 2010, nous voterons donc OUI à l’article 74 en toute sérénité en sachant que les principaux chantiers sont déjà en place, grâce à l’énorme travail fourni en amont par deux hommes Alfred MARIE JEANNE et Claude LISE.
Alors, comme le disait magnifiquement notre grand poète Aimé Cesaire : « un pas, un autre pas et tenir gagné chaque pas… Avance ! »
Hector ELISABETH – Sociologue