A comprendre que, pour les femmes ‘accomplissantes’ dans le domaine de la littérature, même le précieux acquiescement tutélaire de l’autre-bord-là-bas ne suffit pas à les hisser au rang de parties intégrantes acceptées et respectées ?
Nous ne nous perdons pas à faire l’étiologie d’un tel état de fait, mais nous élevons notre solidarité indéfectible aux femmes écrivains de nos pays. Nous dénonçons l’‘endo-exil’ et l’‘exo-exil’ imposés à des agents de production et d’efficience sûres, par l’inconscience de leurs propres gens. Nous alertons les autorités de toutes sortes, individuelle, politique, médiatique, associative, sur le danger psychologique, physique, que constitue, pour nous tous, sans exception, la persévérance dans ce qui ressemble à un trucidement avancé de soi-même.
Pour ce qui est de la Martinique et de la Guadeloupe, il faut ne pas oublier que c’est l’activité littéraire et intellectuelle qui, en grande partie et de façon indélébile et cinglante, a (im)posé notre présence, notre existence, notre relation au monde.
Nous rappelons que notre traversée, notre arrivée et notre maintien jusqu’en ce temps du vingt-et-unième siècle, dans cet espace américain, n’a été possible que par le conglomérat solidaire et inclusif de toutes les forces rendues, toutes les sueurs versées par tous. Que les plantations desquelles nous sommes nés, mais dans lesquelles nous ne considérerons jamais piétiner, ont été incendiées par les bras torches de tous les corps, toutes les âmes les occupant ensemble, au même plus bas rang. Que le nègre marron a un vis-à-vis, et qu’il est sa femme. Autant marronne inflexible. Qu’ensemble et solidaires, comme l’un de nos couples héros mythiques, Zaïre et Théophile, ils déterminent la parole, écrivent de leurs actes, le texte de ce que nous devons être aujourd’hui. Pleinement actants, vigilants et en éveil constant pour l’action accomplie.
Il n’y aura pas de Martinique, pas de Guadeloupe sans Martiniquais, sans Martiniquaises, sans Guadeloupéens, sans Guadeloupéennes. Ensemble. Les deux sexes à jamais joints dans l’intimité ouverte de l’intellection et de l’action. L’imaginaire fertile éployé par les écrivains femmes dans leur singulière littérature, participe de cette intellection et tend à insinuer l’action pour le développement intellectuel, culturel, économique, politique, social, individuel et collectif.
Cette littérature de l’imaginaire de femmes est une voix légitime qui continue, amplifie, diversifie le principe de (r)évolution des tous premiers instants. Elle n’entend pas se laisser massacrer, déchoir, réduire à l’aphonie. Elle veut marquer, de la vision du monde qu’elle offre, à son monde et au monde large, les explosions formidables ayant révélé et continuant d’élever la conscience de son objet vers lui-même.
Nous en appelons à ce que les outils médiatiques de diffusion et de promotion, en Martinique et en Guadeloupe, soient aussi mis au service de la divulgation honnête et sans préjugés de la littérature actante produite par les femmes. Nous en appelons à ce que le travail abouti, après les efforts et le talent démontrés, soit pris à la mesure de l’évaluation juste, dépassionnée et rigoureuse pour que toutes les voix, chacune d’entre elles, comptent dans la construction de la voie du futur de nos deux pays.
Hanétha VETE-CONGOLO (Martiniquaise, Universitaire-Chercheure, Bowdoin College, le Maine, USA)
Signataires,
Dominique AURELIA (Martiniquaise, Maître de conférences-chercheure, Université des Antilles et de la Guyane, Martinique)
Patricia DONATIEN-YSSA (Martiniquaise, Maître de conférences-chercheure, Université des Antilles et de la Guyane, Martinique)
Jacqueline COUTI (Martiniquaise, Doctorante, Chargée de cours, University of Virginia, Virginie, USA)
Odile FERLY (Guadeloupéenne, Universitaire-Chercheure, Clark University, Massachusetts, USA)
Milka HUMBERT (Martiniquaise, Maître de conférences-chercheure, Université des Antilles et de la Guyane, Martinique)
Juliette SMERALDA (Martiniquaise, Universitaire-chercheure associée au laboratoire de recherche Culture et Société en Europe de l’UMR 7043 du CNRS, Université Strasbourg 2, France)
Corinne MENCE (Martiniquaise, Professeure des Universités, Université des Antilles et de la Guyane, Martinique)
Solange BUSSY (Martiniquaise, Maître de conférences-chercheure, Université des Antilles et de la Guyane, Martinique)