Bondamanjak

Petits frères et petites sœurs: cap à l’ouest !

C’est pourquoi je vous écris ce mot matinal, chers frères et sœurs. Moi, qui ne suis pas descendant d’Assier ou de colon et qui pour vous n’éprouve ni haine ni ressentiment. Je vous écris parce que ce matin quand le soleil paraîtra, j’espère que vous trouverez la force de dire haut et fort combien ce monde, notre monde, celui des profiteurs et des exclus, celui des corrompus et des candides, celui de la « race » et de la génétique, celui des voitures électriques et du tri sélectif, celui de l’internet et du participatif, celui du lever à Marigot du déjeuner à Bilbao de la sieste à Curaçao du goûter à San Francisco du dîner à Tokyo et du coucher à Bamako, celui des relations humaines, celui de l’intelligence partagée et de la démystification, celui de la peur reconnue et du courage grandit, ce monde, notre monde, combien il ne ressemble en rien à ce qu’en dirent nos ancêtres.  

J’aimerais, j’espère réellement, que l’un ou l’une d’entre vous saura montrer aux yeux rougis par le malaise, combien le monde a changé, qu’il ne peut qu’avoir changé! J’espère que vous crierez fort votre foi en notre génération et ses mains entrelacées et son corps embrassé par l’Autre. J’espère que vous direz les pesanteurs et les pressions qui nous astreignent, les menaces proférées par nos familles, la culture ramonée par elles, le racisme cuisiné ingénument et les craintes d’estampille atavique. J’espère que nous déballerons ensemble lors du grand déballage, les vrais comptes et les spoliations, les vols et les vérités lourdes d’histoire. Car rien de tout cela ne doit nous ceindre les reins, vaillants hommes. Cette lâcheté n’est pas la nôtre. Elle est d’un autre siècle.  

Petits frères, petites sœurs, dites nous, je vous en prie! Libérez cette parole, écho des douleurs. Délivrons-nous des maux. Les choses tournent mal n’est-ce-pas? Mais pour faire contre mauvaise fortune bon cœur, notre peuple se retrouve dans la rue et accorde son cri. Il vous faut nous rejoindre à présent et prouver courageusement aux mensonges que nos vérités sont fraternelles et regardent vers demain. Petits frères, petites sœurs, nous ne pouvons vivre séparément, nous ne pouvons être séparés et cette lettre même n’aurait dû voir le jour. Alors ce matin, quand vous entendrez ces chants de lutte qui battent les actes et les pensées rouillées comme on bat le tambour, ces chants qui font peur aux anciens et les blessent, prenez les juste pour ce qu’ils sont: l’affirmation spontanée que notre pays, quoi qu’il arrive, est à nous et que nous délierons ces mains jours après jours maintenant. Acceptez ces chants vous aussi et ensemble prouvons au monde combien il a tourné, disons lui que nous ne souffrirons plus le vol organisé qu’il soit béké, français ou même martiniquais, que nous gardons les yeux grand ouverts désormais et les poings serrés si besoin est. Petits frères et petites sœurs du Cap est ou d’ailleurs, la Martinique est à nous : cap à l’ouest !
 

Loran Kristian Ursulet