Par Pierre-Yves CHICOT
Que de souffrance pour les personnels de la santé publique qui ont pris le parti de s’abstenir de
l’injection trouvée par les chercheurs en médecine et en pharmacie, présentée comme une issue
salutaire pour combattre la COVID 19.
Au-delà du débat sur l’efficacité qui reste sans nul doute à démontrer car n’étant pas un obstacle dirimant à la diffusion du virus, on est aisément tenté de se concentrer sur toutes ses familles rentrées en rébellion contre la loi, et partant contre l’obligation vaccinale.
Dans les pays français d’Amérique, l’affaire prend une allure particulière, singulièrement en
Guadeloupe car la lutte à la fois héroïque et naïve contre l’obligation vaccinale pour exercer sa
profession est une formidable occasion pour des mouvements anarcho-syndicalistes de
prospérer, tentant sans succès de créer un nouveau mouvement social d’ampleur.
L’opportunité est tout aussi grande pour les politiciens en mal de popularité post campagne
électorale qui vont préférer la vulgarité à l’efficacité.
Dans les deux cas, les plus malheureux demeurent les personnels suspendus qui plongent dans l’indigence avant de disparaître dans l’ignorance la plus totale à la veille des fêtes de fin d’année, puis les libations carnavalesques,
les réjouissances pascales et enfin les grandes vacances.
Dans cette affaire, l’imposture est vraisemblablement un fil conducteur dans la mesure où les
défenseurs de la veuve et de l’orphelin n’en sont peut-être pas vraiment.
Démagogie et « makakri »
L’imposteur, celui qui trompe, qui abuse autrui par des mensonges, de fausses promesses, dans
le but d’en tirer un profit matériel ou moral pullule dans notre société d’aujourd’hui.
Frédéric Rouvillois, dans Le collectionneur d’impostures, où il étale et réunit, à l’image de
Flaubert et ses idées reçues, les faussaires, les escrocs, les scientifiques douteux, les faux
princes.
C’est le témoignage du délitement de la sincérité au profit de la duplicité permettant à
l’imposteur d’usurper une identité, d’inventer au point d’y adhérer parfois, une histoire qui n’est
pas la sienne, se faisant passer pour un autre et, hélas ça marche.
Les auditions au Sénat ont offert un éventail du discours construit sur l’inconsistant. La
proposition de supprimer le préfet dans les pays français d’Amérique en est.
Qu’on veuille que ces pays soient dotés des plus larges pouvoirs, n’est pas fondamentalement un scandale. Mieux,
ce peut être même l’art de nourrir le débat public. Mais lorsque cette proposition est assenée
comme un slogan sans argumentaire sérieux, la manœuvre confine à la posture.
En effet, l’institution qu’est le représentant de l’État dans les territoires locaux est un élément
essentiel de l’armature étatique française, sauf à considérer que pour faire plaisir à un exécutif
local d’une collectivité de France extra-hexagonale de droit commun, le Constituant prendrait
le parti de mettre fin à pareille modalité de l’organisation du territoire national.
Par ailleurs, il me revient en mémoire cette parole d’un sage qui me confiait que les thuriféraires
d’une position prétendument anticolonialiste nous exhortent à privilégier l’expression créole
alors qu’ils s’adressent en français à leur chien. La même technique ou tactique est encore
régulièrement usitée par ceux-là mêmes qui vont se draper du verbe sécessionniste tout en
faisant allégeance toute lumière éteinte au pouvoir.
Quel intérêt de vouloir que le Ministère des outre-mers déménage au motif que le Ministère des colonies, porteur de crimes sanglants s’y trouvait ?
Ne savons-nous pas que les pays français d’Amérique sont des anciennes colonies
devenues départements d’outre-mer, y compris par la volonté de nos ancêtres, souhaitant être
considérés comme des membres à part entière de la communauté nationale ?
Quelle est la part de moyens, d’énergies et de finances consacrée par les grandes collectivités des pays français
d’Amérique au service d’une politique mémorielle non pas victimaire et misérabiliste, mais
nous rappelant au quotidien la fierté du chemin parcouru ?
«Bolokisme, pangalisme et agoulougranfalisme»
L’observation de l’art de gouverner dans les pays français d’Amérique semble être dominée par
un triptyque qui ne nous invite à pas gonfler le poitrail en signe d’auto-satisfaction de ce que
nous sommes et de ce que nous pouvons créer.
Trois mots créoles expriment à la fois le discours et les actes des décideurs publics avec un effet
peu ou prou sur l’ensemble de la société : «boloko», «pangal», «agoulougranfal».
«Boloko» confine au grossier, «pangal» renvoie au capharnaüm, «agoulougranfal» est l’équivalent d’une
appétence pathologique pour posséder autant le pouvoir politique que les citoyens-électeurs,
produits du suffrage universel.
L’exercice du pouvoir «bolokisé» est tout autant déconnecté de l’amour pour l’esthétique que
du divin dans la manière d’engager les politiques publiques. Le pangalisme témoigne de toute
renonciation à penser avec finesse, sagesse, tempérance et mesure ces mêmes politiques
publiques au bénéfice de productions écrites exogènes sans prise réelle avec l’intimité la plus
profonde du pays. Enfin, l’agoulougranfalisme consiste en la revendication auprès du pouvoir
central de la «domiciliation de davantage de pouvoirs» à l’actif des décideurs publics oints par
le suffrage universel, tout en sachant que l’objectif ultime de pareille demande saisie par le
caprice ne vise pas le bonheur de la collectivité mais le bien-être d’une seule aristocratie très
fermée.
Les citoyens ordinaires ne sont pas épargnés et vont verser à l’image de leur dirigeant dans une
forme de médiocrité mortifère et qui botte à coups violents tout raisonnement intelligent, toute
invitation à décrypter le complexe, toute entreprise collective où le sujet doit s’effacer devant
la collectivité et le bien commun.
Pierre-Yves CHICOT
Maître de conférences de droit public – Habilitation à Diriger les Recherches
Avocat au Barreau de la Guadeloupe