Proposition de loi sur les transports en Martinique déposée le 18-6-2013 à l’Assemblée Nationale par 3 députés martiniquais appuyés par le groupe GDR.
PROPOSITION DE LOI
Relative à la création d’un périmètre unique de transport et à la création d’une autorité unique de transport en Martinique.
Présentée par :
Bruno-Nestor AZEROT, Jean-Philippe NILOR, Alfred MARIE-JEANNE
EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le service public de transport en Martinique regroupe le transport urbain qui est de la compétence des communes ou de leurs groupements et le transport interurbain qui est de la compétence du Conseil Général. Le Conseil Régional bénéficie quant à lui d’une compétence facultative dès lors qu’il existe, en matière de transport, un intérêt régional, ce qui est le cas dans une région monodépartementale d’Outre-mer.
Aussi, sur un petit territoire de 1100 km2 comme la Martinique, où il a coexisté jusqu’à plus de 16 autorités organisatrices de transport et malgré la constitution de collectivités de communes et d’agglomérations encore près d’une demi-douzaine, les enchevêtrements de compétences sont multiples et rendent toute amélioration et modernisation du transport public en Martinique impossible en empêchant non seulement toute stratégie mais encore toute réalisation concrète. A titre d’exemple, un projet de transport en site propre de 12 kms a été engagé voici près de trente années : il n’est toujours pas achevé.
Plusieurs tentatives de réforme du droit des transports sont restées inadaptées, vaines ou de peu de portée.
Dès 1982, la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI) n°82-1153 du 30 décembre 1982 a fixé le cadre général du transport intérieur mais celui-ci s’est trouvé en inadéquation complète avec la réalité martiniquaise dominée par un système pléthorique et improvisé de près d’un millier de taxis collectifs dénommés «taxicos» qui n’existent pas en France hexagonale.
La LOTI a donc apporté certes une amélioration de l’organisation générale des réseaux de transport public mais sa mise en œuvre est restée embryonnaire voire « romantique » en Martinique.
On a ainsi dénombré près de 16 autorités organisatrices de transport, qui parfois même se juxtaposaient et se chevauchaient les unes aux autres en matière de compétences entre les AOT de transport urbain et l’AOT de transport non-urbain. Comble d’ironie, sur environ 5 kms, un usager martiniquais pouvait changer parfois jusqu’à cinq fois de régime juridique…
Différentes initiatives ont donc été menées par les collectivités territoriales pour rationaliser au fil du temps l’organisation des transports en Martinique.
Un cadre juridique est intervenu avec l’article 52 de la loi portant engagement national pour l’environnement (dite «Grenelle 1») n°2010-788 du 12 juillet 2010 qui permet à la Martinique de se doter d’une autorité unique. Ce cadre a été introduit dans le Code des transports aux articles L1811-2, L1811-3 et L1811-5. Mais malheureusement, ce dernier est resté sans effet majeur, tout simplement parce qu’en préconisant une autorité organisatrice unique de transport il a omis l’essentiel, à savoir la nécessité impérative et liée d’un périmètre unique de transport (PUT) préalable et son urgence. Nous croyons surtout que ce cadre spécifique à la Martinique doit être créé par la loi pour être pérenne et non par une habilitation temporaire.
D’autres cadres juridiques parcellaires sont intervenus sans qu’une approche globale nouvelle intervienne. Le Code des transports a confié par ses articles L5431-1 et L5431-2, et L5714-1 et L1231-1 la compétence du transport maritime au Conseil Général, tandis que le Code de l’Education inscrivait lui-aussi sa compétence en matière de transport des
élèves handicapés en son article R213-13. Cette collectivité disposait déjà de la compétence en matière de transport scolaire hors PTU conventionnée, et de transport public sauf à l’intérieur de chacun des trois PTU correspondant aux trois collectivités de communes ou d’agglomération du territoire.
L’Acte III de la Décentralisation offre aujourd’hui une perspective nouvelle de rationalisation qu’il nous faut saisir avec la possibilité de concevoir une nouvelle organisation des transports et l’introduction d’un « chef de file » dans le domaine des transport qui, en Martinique s’imposera dès 2015 avec l’instauration à cette date de la Collectivité unique de Martinique en lieu et place du Conseil Général et du Conseil Régional actuellement existants.
L’enjeu est important puisqu’il s’agit, outre d’organiser sur des bases claires les réseaux de transport et la compétence en la matière, de désengorger un réseau routier très saturé avec 519 véhicules pour 1000 habitants, ratio qui place la Martinique en tête des DOM mais aussi au-dessus de celui de la moyenne de l’hexagone. La congestion des transports atteint même des sommets avec 120 véhicules/jour sur l’axe principal de l’île, ce qui a des incidences graves au regard du développement économique et de la vie quotidienne des Martiniquais.
L’objet de la proposition de loi est de mettre en corrélation la nécessité d’un périmètre unique de transport (PUT) avec une organisation unique du transport (AOT) en Martinique s’appuyant sur la création d’un établissement public regroupant l’ensemble des acteurs autour d’un projet commun. Au-delà de cette nécessité, il entend anticiper sur l’Acte III de la Décentralisation et sur la mise en place attendue en 2015 de la Collectivité unique de Martinique.
PROPOSITION DE LOI Article unique
I – L’article L 1811-1 du Code des transports est ainsi complété :
«En Martinique, un périmètre unique de transports urbains, et interurbains, comprenant intégralement les périmètres de transports urbains en vigueur à la date de la promulgation de la loi, est institué.
Pour l’application des articles L 1214-1 à L 1214-10, L 1214-14 à L 1214-28, L 1214-30 à L 1214-35, L 1231-4 à L 1231-6, L 1231-8, L 1811-1, L 1851-2, L 3111-1 à L 3111-6, L 3112-1 et L 3131-1 et des articles L 5431-2 et L 5431-3, une autorité organisatrice unique est substituée à l’intérieur de ce périmètre unique de transports aux autorités organisatrices de transports urbains antérieurement compétentes en Martinique, en particulier dans l’ensemble des droits et des obligations résultant des conventions passées avec les entreprises pour les services de transports.
Cette autorité organisatrice unique est également compétente en matière de transports maritimes intérieurs.
L’autorité organisatrice unique bénéficie des versements transports des anciennes AOT. Elle peut utiliser une partie de ces derniers pour des travaux d’infrastructures de transport. L’autorité organisatrice unique de transport a notamment la charge d’attribuer en partenariat avec les services de l’Etat compétents la capacité professionnelle pour les transporteurs.
Les transporteurs déjà en exercice au 30 décembre 2011 (date de parution du décret n°2011-2045 du 28 décembre 2011) le sont de droit à la date de promulgation de la présente loi.
Leur capacité financière est présumée certifiée dès lors que le transporteur peut justifier d’une activité régulière, permanente et exclusive dans l’exercice de ses fonctions de transporteur depuis au moins cinq années.
Un établissement public ayant mission d’exercer, à l’intérieur du périmètre unique de transports de la Martinique, les compétences de l’autorité organisatrice unique est créé. Il réunit les tutelles des différentes AOT existantes à la promulgation de la loi sous l’égide du Conseil Général et du Conseil Régional, puis à compter de la mise en place de la Collectivité unique de Martinique en 2015, sous l’égide de celle-ci.
L’établissement public bénéficie des versements transports pour son fonctionnement et ses investissements que l’Autorité organisatrice unique de transports (AOUT) lui reverse en tout ou en partie.
Les organisations professionnelles des transporteurs et les associations de consommateurs et d’usagers de Martinique sont membres en qualité d’observatrices de l’établissement public sans pouvoir participer aux votes et décisions de son conseil d’administration.
II – En conséquence, à l’article L 1811-3, la mention «en Martinique» est supprimée.
III – La perte de recettes pour l’Etat qui pourrait résulter de l’application des présentes dispositions est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du Code Général des Impôts.