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dernières années n’a pu être oublié par une caméra, un micro, un journal. La difficulté tient
plutôt au trop plein. L’homme parle sans cesse et ne craint pas de se répéter, s’accrochant
inlassablement à la formule qui semble faire mouche. S’agissant de la sécurité, chacun a en
mémoire une sortie, une proposition, une visite, une interview… Pour autant, la synthèse n’est
pas aisée. La difficulté de rassembler les différents niveaux de discours: les allocutions très
travaillées, les programmes minutieusement construits, mais aussi les déclarations à l’emportepièce,
les mots lâchés au passage… Synthèse d’autant plus délicate que la stratégie actuelle du
candidat pourrait brouiller un peu l’image que chacun croyait connaître. Il a d’abord été
question de “rupture”. Mais avec quoi? Nicolas Sarkozy a tellement imprimé sa marque à la
politique de sécurité des cinq dernières années, qu’on ne le voit pas rompre avec lui-même ou
renier l’un de ses credos. “Rupture tranquille” ensuite. Ce glissement sémantique ne paraît pas
décisif. Puis vint le changement: “j’ai changé”. Oui mais sur quoi? Personne ne sait vraiment;
apparemment pas pour le sujet qui nous préoccupe. Le ministre dans ce domaine a fait preuve
d’une belle persévérance et a toujours maintenu et développé des analyses, des stratégies, une
philosophie qui n’a pas varié d’un iota.
Vraies ruptures
En fait Nicolas Sarkozy n’a jamais changé: son discours a toujours été un vrai discours de
rupture. Mais une rupture pour l’instant contrariée: il n’a jamais pu aller jusqu’au bout de ses
projets. L’ambition de l’homme, tout le monde la connaît et lui-même l’avoue sans détour. Le
pouvoir l’habite. Mais ce pouvoir, il ne l’a jamais eu complètement. Il s’est parfois fourvoyé, a
connu des échecs, parfois cuisants mais il s’est toujours relevé à la recherche de la plus haute
marche, la seule qui l’intéresse. Quand il s’est hissé à des responsabilités ministérielles, il n’a
jamais été le numéro un. Un obstacle s’est toujours dressé sur sa route pour l’empêcher
d’exprimer totalement, de traduire complètement ses idées. Il lui est rarement arrivé de quitter
l’hémicycle en se disant qu’une loi qu’il avait pourtant portée était vraiment en définitive la
sienne. Plus d’une fois il est parti dépité en clamant haut et fort que bientôt, oui, bientôt, il
pourrait accomplir pleinement son dessein qu’on ne comprenait pas encore, les esprits n’étant
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pas assez mûrs. Le seul domaine où il a vraiment pu donner sa pleine mesure est la direction
de la police. Un police qu’il a pu bâtir à son image, selon ses principes. Pour le reste, il attend
le 6 mai 2007 pour pouvoir enfin rompre définitivement avec des principes qui l’ont bridé
jusqu’à présent et qu’il abhorre. Cerner les contours de la politique de Nicolas Sarkozy, en
matière de sécurité du moins, c’est retrouver la cause de ses derniers échecs, de ses reculs, de
ses rebuffades ou des rappels à l’ordre qu’il a essuyés. Patiemment, en attendant son heure.