Après tout, la culture n’a-t-elle pas déjà été un moyen d’exclusion du monde de l’entreprise et de l’administration, à un niveau de responsabilités, de toute une frange de la population socialement pauvre, et souvent ethniquement différente, bien que les deux ne se recoupent pas toujours ? Pour quelles raisons ? Non pas à cause de qualités intellectuelles propres aux minorités, mais parce que l’accès à cette culture est de moins en moins universel, et beaucoup plus éloigné de cette frange de la population. Au-delà de ce constat, personne au sein de ces instances n’a semblé esquisser la moindre explication d’ordre sociologique sur l’intérêt des minorités noires et arabes pour le sport. Il se trouve que le sport, contrairement au monde de l’entreprise ou de l’administration est peu regardant sur la couleur de ses élites ! En effet, l’accès à un terrain de football pour une personne des cités sensibles est moins compliqué que celui d’un lycée de centre ville proche des lieux de savoirs et des grandes écoles. Un terrain de football, où qu’il se trouve, est le même pour tout le monde, le mérite et la rigueur font seules la différence entre les joueurs. La réussite semble davantage à leur portée. L’école, elle, est une autre réalité.
C’est un environnement beaucoup plus complexe : La qualité et l’ancienneté des enseignants, l’effet « établissement », le niveau de qualification des parents, les choix scolaires des parents, les moyens matériels d’obtenir du soutien scolaire jouent tout autant, si ce n’est davantage que le mérite, dans le processus de réussite scolaire. Les bons élèves des classes populaires ont de moins en moins de chance qu’il y a 10 ou 20 ans d’accéder aux filières d’excellence, l’incarnation même (à quelques exceptions près1) de la ségrégation scolaire. Les jeunes noirs ou arabes issus des classes populaires qui cherchent comme tout français quelle que soit leur couleur, à s’élever socialement, à avoir un avenir meilleur pour eux-mêmes et leurs enfants, ont donc tout naturellement investi massivement le sport, domaine où l’ascenseur social n’est pas (encore) tombé en panne, ce domaine qui portait, jusqu’ici les valeurs républicaines du mérite et de l’indifférence au genre et à la couleur de peau. Pourtant, ce souffle d’universalisme qui parcourt encore le sport, les instances françaises de football voudraient l’éteindre ? Ces valeurs républicaines que portent encore le sport, les instances françaises de football voudraient les bafouer ? Nous ne voulons y croire. Le sport est un des rares bastions qui montrent que les « couleurs de la France » peuvent être portés par n’importe quel français quelle que soit sa couleur. Et il faudrait donc le briser ?
Ce bastion a permis à des jeunes gens issus de tout milieu et de toute couleur, de devenir des hommes ou femmes respecté(e)s, pour leur mérite, leur travail, leur courage, leur discipline, leurs résistances aux épreuves mentales et physiques, leurs qualités de stratèges. Ce bastion a permis à ces jeunes gens d’être des exemples pour une jeunesse française de toutes les couleurs…notre jeunesse admire ces jeunes gens qui réussissent quelle que soit leur couleur, faut-il s’en plaindre ?
Frank ANRETAR
Président de la Fédération des Associations Africaines et Créoles
Jean-Christophe DUTON
Président du pôle formation de la Fédération des Associations Africaines et Créoles