Par Michel Branchi économiste.
L’Institut de statistique régional (#IMSEPP) annonce triomphalement le 27/01/2015 une baisse des demandeurs d’emploi cat A en décembre 2014 de 1,57 % par rapport à novembre 2014. Il en conclut que cela est la confirmation de « la baisse tendancielle du nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois » et que c’est le signe d’une « reprise économique réelle ».
La #Martinique avance, n’est-ce pas ? Un chômage global qui ne recule pas en 2014.
Le résultat réel est que, selon le communiqué de la préfecture (pôle emploi- Martinique/Dieccte) du 27/01/2015 à 21H03, en décembre 2014, le nombre de demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) catégorie A sans aucune activité) augmente de + 0,6 %, soit de 44 210 en novembre 2014 à 44 462 personnes en décembre 2014 en données corrigées des variations saisonnières (CVS).
Ce n’est pas tout à fait pareil: le chômage remonte donc en décembre 2014 après avoir baissé depuis juillet 2014 (45 478 DEFM).
Une fois de plus, l’Imsepp (Georges Para) fait une lecture politique tendancieuse des chiffres.
L’Imsepp fait également une comparaison sur un an pour se féliciter d’une baisse des demandeurs d’emploi cat A de 1,4 % depuis décembre 2013. Certes, de son côté Pôle emploi- Martinique constate aussi une baisse de 45 054 demandeurs d’emploi cat A en décembre 2013 à 44 462 demandeurs d’emploi A en décembre 2014, soit – 1,3 %.
Cela fait bien une légère baisse sur un an de 592 chômeurs catégorie A. Donc il y a une accalmie sur le front de l’emploi en Martinique. Mais pas de quoi pavoiser. Par ailleurs, le nombre de demandeurs d’emploi A, B et C (sans activité aucune et avec une activité réduite) qui se rapproche le plus du nombre réel de chômeurs s’établit à 53 036 personnes, en hausse de 0,7 % sur novembre 2014 (+ 363 personnes) et augmente un peu de + 0,2 % sur un an (52 937 en décembre 2013), soit + 99 personnes. En fait, le chômage ne recule pas en 2014 en Martinique.
La flambée de l’expatriation des jeunes diminue-t- elle les inscriptions ? Et pour apprécier ce résultat il faut prendre en compte les emplois aidés (6 300 à fin novembre 2014- MOM), la flambée de l’émigration des jeunes qui, à n’en pas douter, fait baisser les premières entrées à pôle emploi
(- 16,5 % de variation annuelle sur trois mois glissants en décembre 2014) et la baisse de la population et peut-être même de la population active. Le chômage sera-t-il vaincu quand il n’y aura plus de Martiniquais, avons- nous déjà eu l’occasion d’ironiser… ?
1 917 radiations de chômeurs de plus en 2014 A noter que parmi les motifs de sortie de pôle emploi les radiations administratives augmentent en décembre 2014 de 16,8 % en variation annuelle sur trois mois. Phénomène déjà souligné par l’Iedom dans sa note de conjoncture du 3 ème trimestre 2014. Mais plus significatif : Sur un an, il y a eu 4 175 radiations administratives en 2014 contre seulement 2 258 en 2013. Soit 1 917 de plus et + 84,9 % ! A-t-on décidé en haut lieu de nettoyer les fichiers pour rendre les statistiques plus présentables ? Moins d’entrées et plus de sorties à Pôle emploi, cela fait-il plus d’emplois ? Pas sûr. Hausse conséquente du chômage de longue durée.
Certes, les demandeurs d’emploi catégorie A de moins de 25 ans reculent sur un an de 9,3 % à 5 990 personnes, soit 617 jeunes chômeurs en moins. Sans doute l’effet éphémère des emplois d’avenir (1 270 en fin novembre 2014). Mais le nombre demandeurs d’emplois de plus de 50 ans augmente de 9,3 % à 12 271 personnes, soit 1 048 chômeurs séniors de plus. Par ailleurs, les chômeurs de longue durée ABC (plus d’un an) sont au nombre de 28 723 en décembre 2014, soit 4,1 % et 1 132 personnes de plus en un an. Et 54,2 % des demandeurs d’emploi ABC sont des chômeurs de longue durée en décembre 2014 (43,8 % en France) contre 52,1 % en décembre 2013 (+ 2,1 points). Il en résulte que 18 838 chômeurs ABC n’ont que le RSA pour vivre, soit 3 % de plus qu’il y a un an.
Signe que la pauvreté s’étend et pèse sur les budgets sociaux. Est-ce une bonne nouvelle ?
Les offres d’emploi augmentent de 15,1 % depuis 3 mois par rapport aux trois mois précédents. Mais elles portent essentiellement sur des emplois précaires (moins de 6 mois), soit + 39 %. La plupart des embauches se font en CDD. Pour l’Imsepp « L’évolution des DEFM (à la baisse) est conforme à ce que l’on pouvait en attendre au regard de l’évolution de l’emploi privé total (à la hausse au cours de 3 premiers trimestre de 2014) ». Or la dernière étude de l’Insee (Insee flash- n° 7- décembre 2014) montre qu’il y a recul de l’emploi salarié privé au second trimestre 2014 de 1,5 % ( moins 900 emplois) sur un an en Martinique.
A noter que la baisse de l’emploi salarié privé est de 3 478 travailleurs depuis le 2d trimestre 2010. Aussi la conclusion de l’Imsepp est-elle prudente concernant les créations d’emploi dans le secteur privé en 2015 : « Mais les incertitudes demeurent
quant à la persistance d’une augmentation de l’emploi dans le secteur privé au cours de l’année à venir. Et seule cette augmentation peut garantir une diminution du chômage sur le très long terme ». Quelle reprise économique ?
Quant à « la reprise économique réelle même si encore très insuffisante » décelée par l’Imsepp, elle est en contradiction avec ce qu’il écrivait dans sa lettre n° 36 du 24/11/2014 sur les orientations budgétaires régionales 2015 : « L’année 2013 marque le début d’une phase récessive durable ». Certes certains indicateurs s’améliorent : ventes de ciment en hausse de liées à l’accélération du TCSP et au chantier de l’hôpital après six années consécutives de recul (un tonnage encore inférieur à 2009) ; hausse du nombre de croisiéristes en 2014 (quel effet sur l’économie ?) ; petit regain de 2,6 % des ventes de véhicules en 2014 sur 2013 ( 13 233 ventes loin derrière 2008 avec 15 871 véhicules vendus) ; hausse des ventes des grandes surfaces (au détriment du petit commerce ?) ; hausse des importations hors produits pétroliers; idem pour les exportations; etc (Source : Lettre Iedom n° 265 de janvier 2015). Mais la dernière note de conjoncture du 3 ème trimestre 2014 de l’Iedom datée de décembre 2014 indique que « l’activité est dégradée dans la plupart des secteurs » et que « globalement, l’activité demeure orientée à la baisse » (Note expresse n° 300 – Décembre 2014). Attendons les résultats complets de 2014. Signe des temps cependant : les ventes de carburants ont baissé en 2014 de 8,1 %, principalement à cause du recul des ventes de fioul aux entreprises martiniquaises (Source : Lettre Iedom de janvier 2015).
En 2014, selon #France-Antilles du 27/01/2015, le tribunal mixte de commerce a prononcé 148 redressements judiciaires, 364 liquidations et 46 plans, soit 558 défaillances contre 507 défaillances en 2013 et 450 en 2010 (selon l’Insee). Le poids de la politique d’austérité De plus, les budgets des collectivités subissent en 2015 la baisse des ressources fiscales liées au marasme de l’activité économique (taxe sur les carburants, octroi de mer, taxe sur les transports, le rhum, etc).
Pour certaines (FDF, Cacem, etc), c’est la sévère amputation des dotations budgétaires de l’Etat, etc. Par exemple, Fort-de-France devra baisser ses investissements de 15 %.
Leur endettement s’alourdit inexorablement avec un poids grandissant dans les budgets des annuités de remboursement (capital + intérêts) pour faire face aux urgences. Le pacte de responsabilité et le Cice dans leur version surmajorée en 2015 pour les DCOM accordant 880 millions d’euros au patronat d’outre-mer vont-ils donner plus de résultats qu’en France en incitant les capitalistes martiniquais et les banques à enfin investir ?
Augmentation de la pauvreté et de la précarité Surtout, du fait de l’allongement de la durée du chômage, la pauvreté et la précarité s’étendent. Selon le rapport d’orientations budgétaires 2015 du Conseil général de la Martinique en date du 27/11/2014, « le nombre d’allocataires du RSA a progressé de 23,4 % en 1 an, passant de 34 691 allocataires au second trimestre 2013 à 42 820 au deuxième trimestre 2014 ». Le nombre d’allocataires du RSA augmente de 3,5 % par an depuis 2010. Le RSA couvre 21,8 % de la population martiniquaise en 2013 contre 7 % en France.
En guise de conclusion :
5 000 chômeurs de plus depuis 2010 Il n’en demeure pas moins que le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A (sans aucune activité) est passé de 39 452 personnes au 1 er trimestre 2010, date de l’arrivée de Serge Letchimy aux affaires à la Région-Martinique, à 44 462 personnes en décembre 2014, soit une hausse de 12,7 % et de 5010 demandeurs d’emploi. Bien sûr, la responsabilité est à en partager avec l’Etat français et sa politique d’austérité.
Seule une vraie relance ciblée par l’investissement productif et le relèvement des salaires et retraites les plus modestes peuvent enclencher une authentique dynamique de création d’emploi en veillant à la reconquête du marché intérieur.
Michel Branchi
Economiste
2/02/2015