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Serge Letchimy : du moratoire au renoncement de l’autonomie

Par Jean-Luc Mormin

Serge Letchimy ne finit pas de décevoir non seulement la jeunesse martiniquaise mais aussi l’ensemble du peuple martiniquais qui vient tout juste de le porter au pouvoir à la CTM. Il prétend être autonomiste, or tout son mode de fonctionnement consiste à adopter la logique du « papa blanc ».

Serge Letchimy est un homme qui se rend régulièrement en France demander de l’argent à « papa blanc », et plus on lui donne plus il en redemande. Il est vrai que tous les présidents de région de l’hexagone se battent pour obtenir le plus de dotation possible.

Mais ils le font dignement, collectivement, une fois par an, en faisant voter leur demande par les élus de leur assemblée qui eux-mêmes rendent public la problématique auprès de leurs administrés. Mais ce que fait Letchimy est autre chose : il traine 12 mois sur 12 dans la salle d’attente du ministère des Outremers, il va pleurer constamment en catimini pour demander de l’argent supplémentaire en dehors du budget officiel, sans prévenir les élus martiniquais ni la population. Il obtient beaucoup d’argents comme ça sur plusieurs dossiers ignorés des élus et de la population ; et il le fait avec beaucoup d’indignité.

Il faudrait consulter les actes administratifs pour voir si la SAMAC, la ville de Fort-de-France, Odyssi, ne sont pas dans ces dossiers.

Autre exemple : quand il va dire à Lecornu « s’il te plait papa blanc, tu as financé à 100% la construction du nouvel hôpital de la Guadeloupe, tu es dans l’obligation de faire la même chose pour la Martinique.» Ce à quoi Lecornu lui explique que ce n’est pas en faisant de la jalousie vis-à-vis de l’île sœur qu’on fera avancer la Martinique ; et là, Letchimy fait une crise de nerfs au ministère et menace d’aller voir le papa blanc supérieur : Emmanuel Macron. C’est indigne ! Et pendant qu’il essaye de joindre Macron, Lecornu appelle Ary Chalus pour lui faire part du comportement de Letchimy, ce qui rend furieux les Guadeloupéens qui se demandent : « Pourquoi ne va-t-il pas défendre ses dossiers sans mêler la Guadeloupe dans ses affaires ? ». C’est comme l’adolescent qui fait une crise de jalousie sur sa mère qui ne lui a pas donné la même quantité de soda que son frère. Nous en sommes là, en Martinique ; c’est triste.

Et nous en avons honte de cette jalousie maladive quand nous côtoyons nos frères étudiants guadeloupéens de notre association commune d’étudiants antillais.   Et quand finalement, Letchimy revient en Martinique, il explique tout haut aux Martiniquais : « Je n’ai pas besoin d’un préfet papa blanc pour me dire ce que je dois faire ! ». Voilà ce que l’on comprend : « Je veux d’un papa blanc au-dessus de moi, mais seulement en cachette, et faire ça très loin des Martiniquais (à Paris) ».

– Letchimy a usé de la même méthode en allant voir en catimini Lecornu au ministère pour lui dire : « s’il te plait papa blanc, il faut amender la loi instituant la CTM afin de concentrer tous les pouvoirs dans mes mains, et réduire de fait ceux du président de l’Assemblée de Martinique, et ceux de l’Assemblée elle-même. Si tu fais ça, j’appellerai à voter Macron aux présidentielles, et je ne présenterai pas de candidats contre les macronistes aux législatives en Martinique. Certes, Césaire a toujours soutenu les socialistes, mais pour nous « Césaire c’est du passé ». La preuve, tu viens de comprendre par ma démarche que nous ne voulons plus d’autonomie ». Lecornu a quand même refusé en lui disant « Contrairement à chez toi, chez nous on respecte par principe la séparation de pouvoir. C’est donc à toi-même de le faire par un amendement, tu vas bien trouver un député pour le faire ». Quelle gifle ! C’est indigne. Là encore, Letchimy se vexe, pique sa crise de nerfs, et va voir Manin pour le faire. Pendant ce temps, Lecornu se dépêche d’appeler discrètement Jacqueline Gourault pour lui dire de bloquer un amendement qui viendra en séance à l’assemblée et qui risque de mettre le feu aux poudres en Martinique.

– Comment un autonomiste peut-il demander à l’État français de faire marche arrière c’est-à-dire de faire la CTM redevenir un Conseil régional ? Alors que l’État français a consulté le peuple martiniquais qui a dit « oui » pour aller vers plus d’autonomie en passant du statut de Région au statut de CTM avec séparation de pouvoir entre Exécutif et Assemblée, voilà que le PPM renonce maintenant à l’autonomie après être passé par l’étape du moratoire.

Certes, cette évolution vers la CTM est une faible avancée en matière d’autonomie réelle, mais ce n’est pas une raison pour faire marche arrière. Il faut au contraire aller plus loin en dotant l’Assemblée de son propre budget de fonctionnement dont les dépenses seront ordonnancées par le président de l’Assemblée, en donnant à l’Assemblée son propre personnel administratif rémunéré sur le budget de l’Assemblée et embauché par l’Assemblée, en lui donnant son propre « Hôtel de l’Assemblée de Martinique » (bureaux des personnels, hémicycle pour les plénières, salles de réunion pour les groupes politiques, salles de réunion pour les commissions …), et en lui donnant plus de pouvoir de contrôle de l’exécutif.

Voilà la bonne direction vers plus de démocratie martiniquaise sans sortir aucunement de l’actuel article 73 de la constitution. On n’a donc pas besoin de réunir en grande messe les élus martiniquais en Congrès, car il ne s’agit pas de sortir de l’article 73. Quand on veut aller trop vite, on prend le risque de régresser à cause des sournois conservateurs qui se disent progressistes tout en torpillant l’autonomie « anba fey ». Il faut se contenter d’aller pas à pas. Il suffit donc pour les élus de l’Assemblée de Martinique de prendre conscience qu’ils n’ont pas de permission ni d’autorisation à demander à Letchimy, de prendre conscience qu’ils sont directement les élus du peuple martiniquais dont ils détiennent la légitimité pleine et entière de voter en séance publique des propositions d’amendement pour renforcer la démocratie et l’autonomie en Martinique. Voilà la différence entre des « amendements de la dignité » et « l’amendement de la honte » qu’on a voulu faire passer sous le manteau.

– Dans une polémique indigne avec Eustase JANKY, Letchimy lui explique pourquoi c’est à un Martiniquais qu’il revient de présider l’université des Antilles. Et il précise qu’il avait demandé à papa blanc un dispositif législatif allant dans le sens de la présidence tournante martiniquaise/guadeloupéenne. Ce qui bien sûr n’a pas été retenu par papa blanc qui s’indigne à mots couverts d’une telle demande racialiste pour ne pas dire raciste. En même temps, Letchimy explique aux élus martiniquais pourquoi il ne revient pas à un incompétent martiniquais d’être le DGA Finances de la CTM, mais plutôt à un compétent papa blanc à la tête du personnel martiniquais pour leur dire ce qu’ils ont à faire. Letchimy ne s’applique pas à lui-même ce qu’il demande avec mépris à Eustase JANKY. De même, il n’est pas cohérent quand il dénonce le papa blanc préfet qui s’occupe des affaires de la CTM, quand d’un autre côté il affirme que seul un papa blanc peut faire fonctionner les finances de la CTM.

Par ailleurs, Letchimy ment quand il dit que des DGA Finances martiniquais en France vont se faire virer si on n’accepte pas un DGA finance blanc en Martinique. Letchimy sait très bien que les Martiniquais en France sont victimes du racisme et occupent des bas postes.

Monsieur Letchimy, des Martiniquais hautement diplômés en finance et comptabilité publiques, il y en a des masses ; ils attendent simplement que la Martinique leur donne leur chance d’occuper la fonction.  

La séparation des pouvoirs est bafouée en Martinique. La démocratie a régressé en Martinique sous la mandature de Letchimy.  

Courbevoie, Les Hauts-de-Seine, le 14 février 2022

Jean-Luc Mormin

Étudiant martiniquais en France

Membre du GEASP (Groupe des Étudiants Antillais en Science-Politique)

Source : https://blogs.mediapart.fr/martinique-diaspora/blog/140222/serge-letchimy-du-moratoire-au-renoncement-de-l-autonomie