La presse américaine et internationale, unanime, a salué un grand acteur et surtout un grand homme, de ceux dont on dit « C’était une belle âme ».
Longtemps il a été le seul acteur dans lequel les martiniquais pouvaient se reconnaitre. Lui-même disait « J’ai fait des films à une époque où le seul autre Noir des studios était le cireur de chaussures ».
C’était une époque difficilement imaginable aujourd’hui où il n’y avait pas la télévision ou si peu, pas internet. La vie culturelle se cantonnait au film du samedi soir, souvent à la salle paroissiale. Une époque où la Martinique était inondée de péplum, Maciste, Hercule, Spartacus, Thor, … et de films bibliques, « Les Dix Commandement », « Ben-Hur », « Cléopâtre », … qui revenaient chaque année avec le Carême. C’était bien avant la ruée du western yankee puis spaghetti. Avec les péplums, il y avait quelques films d’actions et les drames sentimentaux, « La porteuse de pain », « Devine qui vient dîner ? » … Sauf que dans celui-là, le « met-pies », le « jeune homme » comme on dit en Afrique pour l’acteur principal, était un noir. Pas un gladiateur aux muscles saillants et huilés, bardé de chaines mourant toujours très vite, non. Pas un café au lait, plus ou moins clair. Non, non, non. C’était un beau noir. An janr de bel neg avec une présence incroyable : Sidney Poitier.
Souvenirs des mamans s’endimanchant pour la séance de cinéma du samedi soir, rêvant déjà de ce film tellement sentimental et un peu de ce bel homme noir. Les papas essayaient de faire bonne figure mais, ils partaient battus devant un homme avec autant de prestance…
Dans une Amérique encore pour beaucoup ségrégationniste, il a été le premier noir dans beaucoup de chose.
En 1958 bien que nommé, il n’obtiendra pas l’Oscar du meilleur acteur pour le film « La Chaîne ». Oscar qui lui sera décerné 6 ans plus tard pour « Le Lys des champs » – 1964. Mais, ce qui a vraiment marqué le monde, et nous même ici en Martinique c’est « Devine qui vient dîner ? » en 1968, où il sera le premier acteur noir à embrasser à l’écran une actrice blanche Katharine Hougton. Même si la scène est seulement entrevue dans le rétroviseur d’une voiture, ce sera un gros scandale au Etats-Unis et un sujet de conversation récurrent dans le monde entier partout où il y a des noirs.
Pour sa disparition, la presse lui a tressé des lauriers. A juste titre. Pourtant celui qui ne voulait être ni un Oncle Tom, ni un Black Panther, connaitra sa traversée du désert quand les films de la blaxploitation (Shaft, Coffy, Foxy, …) déferleront dans les salles. Il disait alors « Je ne veux accepter que des rôles qui inspirent fierté aux spectateurs noirs, leur donnant envie de se redresser dans leur fauteuil et qui imposent au spectateur blanc l’image d’un noir estimable dont l’autorité met en question leurs préjugés ».
Il a été décoré en 2009, par Barack Obama, de la Presidential Medal of Freedom la plus haute distinction civile américaine.
Et personne n’a oublié « Dans la chaleur de la nuit » de Norman Jewison, 5 Oscars dont celui du meilleur film en 1968