par Daniel Boukman
D’emblée, je précise que les auteurs des propos racistes dont Christiane Taubira, Garde des Sceaux, ministre de la justice du gouvernement français, se trouve être la cible… que ces semeurs de haine doivent être judiciairement sanctionnés et non pas seulement être au centre de ce flot de condamnations (souvent lénifiantes) prononcées (tardivement) par quasiment l’ensemble de la classe politique française et autres porte-parole de la société civile. (1)
Il aura fallu qu’une ministre « originaire d’outre-mer » subisse un lancer d’invectives sournoisement racistes pour qu’en réponse, se fasse entendre tout un tohu-bohu de protestations dont les promoteurs ont leurs bouches cousues lorsque des agressions de même nature visent des personnes « ordinaires »… Silence assourdissant qu’évoque le secrétaire national du Parti Socialiste délégué à l’Outre-Mer quand, en parlant de l’injure faite à Christiane Taubira, il dit « c’est à la fois particulier parce qu’il s’agit d’un[e] ministre de la République et à la fois banal parce que des milliers d’hommes et de femmes noirs se font traiter de cette façon au quotidien. » (1)
Et déferle un vent de réactions compatissantes : depuis le 23 octobre, circule une pétition « Respect pour Christiane Taubira » signée, entre autres, par des membres du monde culturel et artistique des Antilles et de la Guyane, qui ont « la volonté de faire part de leur indignation face aux photos, propos et actes racistes, injurieux et dégradants proférés à l’encontre de Madame Christiane, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice » (2)
J’étais sur le point d’apposer ma signature à cette pétition mais à la lumière du rôle (occulte) qu’a joué la Garde des Sceaux, ministre de la Justice dans le projet de démantèlement de l’Université des Antilles et de la Guyane, je suis amené non pas à absoudre les propos de ceux qui cultivent la plante vénéneuse du racisme, mais à m’interroger quant au parcours sinueux de la femme politique qu’est Christiane Taubira.
La stratégie du caméléon ou silon van latjé poul panché
Dans les années 1970, elle commence sa carrière politique comme militante indépendantiste au sein du Moguyde (Mouvement Guyanais pour la Décolonisation) qu’elle quitte, en 1981, lors de l’arrivée en France de la gauche au pouvoir. ; en 1992, elle crée le parti Walwari (3) ; la même année, élue députée non inscrite de Guyane, elle vote l’investiture du gouvernement Balladur ; en 1993, à l’occasion des élections européennes, elle intègre le groupe Energie radicale de Bernard Tapie : de 1993 à 1997, elle siégera comme députée au Parlement européen ; élue députée de Guyane en juin 1997, elle rallie le groupe socialiste dont elle sera apparentée jusqu’en novembre 2001, pour rejoindre ensuite le groupe RCV ; en 2002, elle est candidate du PRG (Parti Radical de Gauche) à l’élection présidentielle ; en juin 2002, de nouveau élue députée de Guyane, elle est apparentée au groupe socialiste ; en septembre 2002, elle est nommée première vice-présidente du Parti Radical de Gauche ; aux élections européennes de 2004, elle est en tête de la liste « Europe fraternelle » du PRG en Ile-de-France ; en juillet 2006, elle est candidate à l’investiture du PRG pour l’élection présidentielle de 2007 mais ce parti renonce à présenter une candidature préférant signer un accord avec le Part Socialiste ; le 20 janvier 2007, au sein de l’équipe de la candidate Ségolène Royal, elle est nommée « déléguée à l’expression républicaine » ; en avril 2008, elle est chargée par Nicolas Sarkozy d’une mission sur les accords de partenariats économiques entre l’Union européenne et les pays ACP ; en mars 2010, candidate à la tête d’une liste divers gauche, à l’élection régionale de Guyane : elle est battue par le maire de Cayenne allié de l’UMP ; lors du référendum relatif au passage de la Guyane à un statut de Collectivité unique, au sein du mouvement Guyane 74, elle appelle à voter « Oui » ; le 14 décembre 2010, lors des primaires du Parti Socialiste de 2011 pour l’élection présidentielle de 2012, elle annonce son soutien à Arnaud Montebourg ; suite à la victoire de François Hollande, le 16 mai 2012, elle est nommée Garde des Sceaux, ministre de la Justice et c’est à ce titre qu’avec le talent qu’il convient de lui reconnaître, chef de file des partisans de la loi du mariage pour tous, Christiane Taubira parvient, en France, au sommet d’une popularité (4) aujourd’hui davantage encore amplifiée par la victimisation dont la dame est actuellement l’objet ( à suivre).
Daniel Boukman, ce 18 novembre 2013
1. « Le fait que ce soit Christiane Taubira, une ministre, qui soit victime d’attaques abjectes, a permis un réveil » proclame la Présidente de S0S Racisme…L’historien Pascal Blanchard déclare « le discours du FN, de certains chroniqueurs, des couvertures de presse… ont ouvert un certain nombre de robinets » in France Antilles du 7 et du 4 novembre 2013.
2. In Antilla du 14 novembre 2013
3. « Dignité Créativité Efficacité » telle est la devise du Walwari
4. Le 23 mai 1998, à Paris, de la Place de la République à celle de la Nation, s’est déroulée une très importante Marche pour honorer la mémoire des victimes de l’esclavage et c’est en surfant sur cette déferlante que Christiane Taubira, le 10 mai 2001, prend l’initiative de faire voter la loi dite Taubira qui reconnaît comme crimes contre l’humanité, la traite négrière transatlantique et l’esclavage, sans que jamais ne soient nommés les responsables de ce crime