Ca se passe dans le pays des droits de l'homme…
Mercredi 10 Octobre 2007, il est 23h30 quand trois jeunes étudiants militants de l'Unef de la Rochelle en France s'apprêtent à coller sur un point d'affichage public cette affiche choc de la nouvelle campagne.
Une patrouille de police de routine s'arrête. L'affiche est trop provocante à leur goût: les policiers questionnent les trois étudiants sur les raisons de cette campagne avant de décider de les embarquer au commissariat. "Nous avons discuté un moment, raconte Thomas Timmonier, président de l'Unef La Rochelle, puis un des policiers a reçu l'instruction par téléphone d'un ses supérieurs, à qui il avait expliqué l'histoire, de nous emmener au commissariat. Ils nous ont pris chacun dans un bureau, et nous ont posé des questions pendant environ une heure trente, et puis ils nous ont relâché."
Motif invoqué : outrage et dégradation légère. C'est du moins la première version donnée aux trois colleurs d'affiches.
Car quinze minutes après l'interpellation, un représentant du bureau national, Reynaldo Dos Santos, qui collait des affiches non loin de là, les a rejoint au poste de police. Les policiers lui donnent alors une toute autre version: le motif sur lequel le procureur va devoir statuer est bien plus surprenant : il s'agit de l"offense au président de le république".
Averti dès le lendemain, le bureau national de l'Unef décide aussitôt d'alerter les médias. Juliette Griffond, responsable de la communication, envoie dans la journée des communiqués à quelques journalistes (dont l'AFP, qui n'a pas repris l'information). Samuel Aslanoff, journaliste à France Bleue Ile de France, est de ceux-là. Cela tombe plutôt bien: il avait prévu d'interviewer Bruno Julliard sur le lancement de la nouvelle campagne. Il le fait réagir sur l'incident et envoie dans la foulée cette partie de l'interview à ses collègues de France Bleue La Rochelle, pas encore au courant de l'affaire. L'information continue de circuler et après diffusion d'un sujet, l'équipe de France Bleue La Rochelle prévient rapidement l'équipe de France 3 La Rochelle, qui envoie une équipe à la rencontre des trois militants. Le reportage est diffusé dans le 19/20h du Vendredi 12 Octobre.
France3 et le doigt d'honneur de Sarkozy
Le lendemain, c'est à dire Samedi 13 Octobre, la chaine belge RTBF décide de consacrer un sujet à l'incident dans son JT de 19H30.
Comme nous, vous devez vous demander: "comment se fait-il qu'une chaine étrangère envoie une équipe à plus de 1000km de chez eux, pour un évènement dont ni l'AFP ni les JT nationaux n'ont même pas dit un mot?"
En fait, en regardant attentivement les deux reportages, on s'aperçoit que ce sont les mêmes images. La RTBF ne s'est pas déplacée. Le chef d'édition du journal est tombé par hasard sur les images de France 3 mises en partage sur le réseau d'images EVN.
Interloquée par le motif "d'offense au chef de l'Etat", la journaliste Sylvie Duquesnoy, décide aussitôt de reprendre le sujet. "Nous suivons de très près tout ce qui touche à Nicolas Sarkozy ( la video du président "hilare" au G8, c'était eux, ndlr) raconte la journaliste, et cette histoire d'article d'une loi vieille de plus de 120 ans, jamais invoqué depuis Pompidou, ça m'a paru incroyable, et surtout très révélateur d'un climat de tension dans les médias et dans la société en général depuis l'arrivée au pouvoir de votre nouveau président."
Pendant le week-end, la video est mise en ligne sur dailymotion, et repérée par des blogueurs à l'affût. Thierry Pelletier, qui tient un blog sur libération.fr envoie un mail au site du quotidien, qui publie un article Lundi 15 Octobre. Aucun journal télévisé national français n'a traité l'affaire.
Les étudiants (et tous ceux qui, par la suite, colleront cette affiche nationale de l'Unef) seront-ils vraiment poursuivis pour offense au chef de l'Etat ? Nous n'en savons rien: le parquet de La Rochelle n'a pas souhaité répondre à @si.
(Enquête de Romain Boutilly)