BMJ achève ici la présentation du Tour des Yoles 2013 de Martinique. Les 18 concurrents ont été examinés en trois catégories : les favoris, les outsiders et les autres. Aujourd’hui, BMJ va tenter de répondre à la question fondamentale :
Que faut-il faire pour gagner le Tour ?
Chaque année, une yole domine toutes les autres et gagne le Tour et à la fin tout le monde se demande comment-t-elle fait ? Pourquoi elle et pas une autre ? Qu’est ce qui fait que c’est celle-là ?
Quand on regarde les vainqueurs depuis 20008, on voit :
En 2008 – Mirsa/Dr Roots : le Tour est dominé par Joseph Cottrell/Optika qui va gagner quatre étapes mais qui coule. Dans le même temps Mirsa/Dr Roots gagne l’étape avec une avance telle qu’elle sera décisive. Après, Athon va la gérer et conserver 3’27’’ sur UFR/Siapoc.
2009 – Joseph Cottrell/Optika : Ce Tour-là restera à jamais gravé dans les mémoires. Guy-Albert Romer va le remporter avec seulement 17’’ d’avance sur UFR/Siapoc au bout d’un suspense étouffant lors de la dernière étape. Pourtant, à la veille de celle-ci c’est Dr Roots/Mirsa (qui va dessaler durant l’étape) qui est deuxième à moins de 3’ et menace le leader. Cette année-là, le vainqueur a construit sa victoire par petites touches en gagnant trois étapes et en gérant la dernière.
2010 – Joseph Cottrell/Optika : Là aussi, le Tour est dominé par Joseph Cottrell/Optika qui gagne les trois premières étapes et accumule une avance substantielle. Guy-Albert et son équipage vont résister ensuite à une remontée de UFR/Siapoc qui gagne deux étapes et termine deuxième à 15’19’’.
2011 – UFR/Chanflor : Pour sa première année de partenariat avec une yole, Chanflor remporte le Tour, comme Dr Roots en 2008. UFR/Chanflor gagne 4 étapes contre 2 à JosephCottrell/Leader Mat et finit avec 26’53’’ d’avance sur elle. Comme en 2009, à la veille de la dernière étape c’est Dr Roots/Zapetti qui menace le leader à moins de trois minutes.
2012 – Brasserie Lorraine/Isuzu : Même si la yole va gagner trois étapes du tour (autant qu’UFR/Chanflor d’ailleurs), c’est le schéma de 2008 qui se reproduit. Une victoire d’étape (la deuxième) avec une avance colossale, ensuite il faut la gérer. D’ailleurs le patron de l’époque Joahan Jacqua expliquera que les victoires d’étapes suivantes n’étaient pas recherchées. Il s’agissait d’avantage de gérer l’avance substantielle créée lors de l’étape Trinité-Saint Pierre.
Quels enseignements tirer de ces statistiques ? Quelles conclusions en découlent ? Comment faire pour gagner le Tour ?
Il n’y a pas de vérité. Il faut d’abord, selon la formule consacrée, mettre toute les chances de son côté et puis en avoir un peu. De Chance. Un soupçon, c’est-à-dire juste ce qu’il faut pour que la vergue, pourtant vérifiée avant le Tour, ne casse pas ; que la voile neuve ne se déchire pas ; que le réglage tienne toute l’étape ; que le vent suet le reste pour tenir le bord……
Mais, avant ça il faut mettre toutes les chances de son côté
Il ne s’agit pas d’aller voir Agodor pour un travail, ou d’aller au Surinam consulter, quoique ces pratiques persistent encore du côté de certains supporters. Il ne s’agit pas non plus de débiter neuvaines sur neuvaines ou de se ruiner en cierge au Monastère Bénédictin de Terreville.
Pour gagner le Tour, il faut des hommes, du matériel, et un patron.
Mettre toutes les chances de son côté, une fois que le président de l’association a réussi à mobiliser des moyens financiers suffisants pour les matériels, l’équipement et le confort des coursiers, c’est réussir une alchimie. Un genre de lamajik entre le talent, l’expérience, les qualités de management du patron ; les matériels utilisés, yole neuve ou pas, qualité des voiles, des mâts, des faux-mâts, des vergues, des bois dressé, des harnais, des palans, des écoutes, des tolets, …… et la motivation de l’équipage, qui traduit sa qualité morale et physique, son ambition collective, la solidarité qui existe, le respect mutuel qui y règne..
Pour le patron, deux choses essentielles, il doit pouvoir manager une quarantaine d’amateurs passionnés de leur sport sur une semaine et dont il doit connaître parfaitement les qualités morales, sportives et la place ou le rôle dans la yole ; et savoir faire des choix. Il y a les choix, toujours décisifs, mais qui sont pris après réflexion ou échange au sein de la cellule arrière ou du staff technique, comme quelle voile mater, quels équipier désigner pour l’étape, quelle tactique adopter sur l’étape. Il y a surtout les choix instantanés, vitaux, tels quel bord tirer là maintenant, quelle yole marquer, faut-il faire du cap ou privilégier la vitesse, lofer oben fouré’y adan quand la rafale surgit…. La conséquence peut être la perte de 5’ sur un seul bord et plus dramatique, sur une embarcation aussi instable, hésiter, tergiverser, être indécis la fraction de seconde de trop c’est couler, prendre 20’ et perdre définitivement le Tour.
Pour le coursier, c’est d’avoir une hygiène alimentaire, de vie, éviter l’alcool, s’entraîner et avoir la force de dormir do-pou-do avec sa chérie pendant la période du Tour. Ensuite durant la compétition, c’est accepter les choix du patron, s’assoir sur son amour propre, se mettre au service du collectif, travailler à maintenir la cohésion, contribuer à faire avancer la yole, garder un esprit positif, toujours…
Outre le matériel lié à la yole, qui a été remplacé, vérifié, renforcé, … il y a les gants, les chaussures, les tenues, les casquettes, l’alimentation, les reconstituants, les panse-bobos, … Et puis, il faut des moyens pour dormir à l’hôtel le plus souvent possible. Outre l’atout indéniable en matière de récupération, quand l’équipage reste groupé, dort à l’hôtel, le staff garde l’œil sur le groupe qui lui-même s’autodiscipline. Ça permet de bien gérer l’alimentation, les soins, le débriefing et d’avoir un regard la nuit……
Pourtant, en yole, le meilleur patron, le meilleur équipage, le meilleur matériel, les moyens financiers suffisants, ne font pas le vainqueur. Il faut ça, la base, et puis…. un peu de chance.
Cette donnée inconnue qui, en fin de compte, va déterminer qui vaincra. Celle qu’UFR/Chanflor n’a pas eu en se faisant exploser par une déferlante l’an dernier lors de la deuxième étape. Celle que Dr Roots/Zapetti n’a pas eu non plus sur la même étape, obligée de tout lâcher dans le mauvais temps et de se laisser porter vers le large quand dans le même temps Brasserie Lorraine/Isuzu, écoute du bas lâchée, à ras de la côte, fonçait vers le gain de l’étape et du Tour.