Cela a-t-il été fait ? Jusqu’ici non. A quoi bon, puisque le rapport d’experts commandité par l’ONU concluait que l’épidémie de cholera en Haïti n’est la faute ou le fruit de l’action délibérée d’aucun groupe ou individu ? Pas de coupable, pas de responsable, fermez le ban ! Agissant ainsi, l’ONU s’est bien gardée de présenter des excuses, et n’a pas eu à remettre en cause sa manière de fonctionner lors des opérations de maintien de la paix.
Le rapport de l’ONU, comme les deux publications scientifiques, ne sont pourtant que documents scientifiques retraçant l’origine et les voies de propagation de l’épidémie. Leurs auteurs ne sont pas magistrats et une proposition d’innocenter tout le monde n’a pas plus de valeur que n’en aurait eue l’éventuelle désignation de coupables. Ceci ne peut relever que d’une enquête judiciaire, seule susceptible de mettre en évidence les dysfonctionnements précis et les éventuelles responsabilités. Une telle enquête est d’autant plus nécessaire que beaucoup de zones d’ombre subsistent. D’abord, il n’est toujours pas expliqué comment, en l’absence de malades parmi les soldats – c’est du moins ce qu’affirme l’ONU – a pu se déclencher en quelques jours l’épidémie la plus violente jamais décrite depuis quinze ans dans le monde. De même, comment un fleuve au débit supérieur à 100m3/sec a-t’il pu être contaminé sur des dizaines de kilomètres ? Une rumeur en Haïti soupçonne le contractant Haïtien chargé de l’évacuation des déchets d’avoir vidé une fosse septique dans l’eau. Rien ne permet de le confirmer à ce jour, mais rien ne permet de le démentir non plus. Cela n’a tout simplement jamais fait l’objet d’une enquête.
Nous sommes tous d’accord sur le fait que personne n’a délibérément introduit le choléra en Haïti, mais cela ne dispense pas d’établir de manière détaillée les responsabilités individuelles ou institutionnelles. Lorsqu’un avion s’écrase, une enquête est systématiquement diligentée alors qu’il est évident que ni le pilote, ni la compagnie, ni le constructeur de l’avion n’ont volontairement provoqué l’accident. Est-il si incongru de demander la même chose en mémoire des 6000 personnes décédées du choléra en Haïti ? Personne n’aurait contesté la nécessité d’une telle enquête si des faits similaires étaient survenus en Europe ou aux Etats-Unis. D’après la déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Monsieur Ban Ki-moon dispose là d’une excellente occasion de traduire en actes les principes fondateurs de l’ONU.
par Renaud Piarroux et Benoît Faucher, Université de la Méditerranée
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