(Propos de Jean-Benoît Desnel, éditeur, recueillis par Gilles Dégras à Paris)
Incontestablement, le Salon du Livre de Paris, événement majeur de l’édition et de la littérature, voit chaque année, et cela depuis deux ou trois ans, baisser sa fréquentation… Cette année encore, malgré une volonté des organisateurs et du Syndicat de l’Edition de faire changer la tendance, rien n’y a fait : 15 % de visiteurs en moins pour cette édition 2016.
La solution réside peut-être dans la gratuité de l’accès, comme l’ont fait les organisateurs de la Foire du Livre de Bruxelles en février 2016. Ils ont alors vu une fréquentation record avec plus de 20% d’augmentation des visiteurs par rapport à l’année d’avant. Et, surtout des résultats économiques pour les éditeurs et les libraires qui avaient joué le jeu de rester, après la démission de la directrice et le départ du plus gros libraire de la place.
Effectivement, il sera difficile aux organisateurs de revenir à l’accès payant la Foire du Livre de Bruxelles, quand on constate que la gratuité d’accès a eu pour effet que la majorité des stands, le samedi soir juste avant le dernier jour de la Foire du livre, le dimanche, avait déjà réalisé un chiffre d’affaires plus important de 5%, sur l’ensemble des 4 jours, que l’année d’avant.
C’est pourquoi je pense que pour rendre plus accessible la littérature aux familles, même les plus démunies, l’accès au salon du livre de Paris, devrait être gratuit.
Je dois saluer l’effort important dans l’agencement et l’emplacement — bien situé —, cette année encore, du stand du Ministère des Outre-mer qui héberge les littératures de l’Outre-mer français. Malgré le thème de cette année « Paroles & Musiques », assez festif et grand public, tous les éditeurs déplorent la baisse de fréquentation qui s’est aussi faite ressentir autour de nos littératures. Parmi les 3000 écrivains présents au salon, la part belle revient aux auteurs de renom, ayant un lectorat à Paris, publiés chez des éditeurs de Paris ou dans nos maisons d’édition régionales en Outre-mer. Je prends comme exemple Suzanne Dracius, qui a vu un public nombreux à sa conférence malgré l’heure matinale, en tout début d’ouverture du salon, le matin de 11 h 30 à 12 h, et lors de sa présence aux séances de dédicaces, malgré l’absence de nouveautés pour elle.
Les politiciens parisiens auteurs ont envahi les stands des libraires, campagne pour les primaires oblige, sans doute… C’est vrai que cette année, à cause du renforcement de la sécurité avec cet état d’urgence permanent depuis plusieurs mois, on a vu parfois les allées embouteillées par les gardes du corps des ténors de la scène politique française.
Pour l’avenir, repenser l’accès au Salon demeure à mon avis une priorité, car l’installation de squares thématiques comme le square culinaire etc… n’ont pas rendu plus curieux le public ni augmenté la fréquentation. Donc, si le Salon Livre Paris souhaite rester une grande librairie et une immense fête du livre au mois de mars de chaque année, il y a lieu de revoir totalement son concept, et de le démocratiser.
Pour nos éditions régionales, positionner des salons du livre pendant les grandes vacances, au moment de la fréquentation importante des personnes de la Diaspora vivant à Paris dans leur île d’origine, est une idée à creuser, si l’on souhaite atteindre ce lectorat, celui de nos compatriotes vivant à Paris et en île de France. Irrémédiablement une solution sans trop de surcoût financier… Car Paris resterait la priorité du Ministère des Outre-mer, avec la collaboration des acteurs du livre et de la culture dans chacune de nos régions.
Propos de Jean-Benoît Desnel, éditeur, recueillis par Gilles Dégras à Paris.