Les nouveaux programmes d’Histoire-Géographie de la classe de 5e introduisent une partie III appelée « Regards sur l’Afrique ». Elle invite à enseigner l’étude au choix d’une civilisation de l’Afrique subsaharienne (le Ghana, l’empire du Mali, l’empire Songhaï, l’État du Monomotapa) et une première étude des traites négrières avant le XVIe siècle.
Cette partie est contestée par un groupe (constitué en juillet) intitulé « Notre Histoire forge notre Avenir » qui recueille aujourd’hui 6157 membres sur le site Facebook (au 8 septembre) et dont le slogan est « Louis XIV, Napoléon, c’est notre Histoire, pas Songhaï ou Monomotapa ».
Leur objectif affiché est de promouvoir et de défendre l’Histoire de France et son enseignement dans l’Instruction Publique. Pour ce faire, ils font circuler une e-pétition et demandent au Ministre de l’Éducation Nationale de revenir sur cette refonte du programme d’Histoire en collège.
Selon eux, il s’agit « d’assurer un socle élémentaire pour tous les collégiens de France et de permettre à chacun d’eux d’avoir les bases pour comprendre et vivre la France que nos ancêtres nous ont transmise ».
En fait, c’est à chaque fois la même chose.
Les concepteurs des programmes d’enseignement (universitaires, inspecteurs et professeurs) par cette nouveauté tentent de corriger les clichés (on se souvient du discours du Président de la République à Dakar) qui circulent sur l’absence d’histoire africaine avant l’arrivée des colonisateurs, sur le vide civilisationnel de l’Afrique.
Les mêmes réactions nauséabondes de la part de groupes réactionnaires fond à nouveau surface, la bête immonde du racisme sort du trou, à peine tapie.
À les entendre, seule l’histoire de France (et non de la France !) est digne d’être enseignée, seule l’histoire de l’hexagone existe en France. Systématiquement, il est opposé l’argument de la « transmission culpabilisatrice de notre passé commun ».
Comme si l’Afrique n’avait pas d’histoire.
Comme si tous les Français étaient des Caucasiens et que la citoyenneté française était réservée à une catégorie d’habitants, blancs, catholiques et originaires du seul hexagone.
Comme si l’enseignement de l’existence de brillantes et originales civilisations africaines pouvait remettre en cause l’identité nationale, la cohésion nationale, la culture et le socle commun, etc., etc.
C’est dire si le combat pour l’affirmation des identités au sein de la République est un combat d’actualité et que nous ne devons pas faillir à l’instar de ceux qui nous ont appris à redresser la tête et à ne jamais courber l’échine.
O mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! nous apprenait Frantz Fanon dans « Peau noire, masques blancs ».
L’enseignement de l’histoire a vocation à développer la connaissance et l’esprit critique. Il vise à construire des citoyens libres et vigilants. La seule fonction identitaire et mémorielle attribuée à cet enseignement que d’aucuns réclament conduit inévitablement au développement des discriminations, de la xénophobie et du racisme et aux crimes de sinistre mémoire.
Depuis quelques années, l’histoire enseignée est instrumentalisée par les tenants du culte de la mémoire et d’une conception close et repliée de l’identité nationale. Nous ne pouvons rester indifférents à cette polémique, car elle illustre la difficulté de certains Français, souvent au plus haut niveau de responsabilité, à comprendre que la France n’est plus à l’époque de l’épopée coloniale.
Elle illustre la difficulté que nous avons, Français des DOM à travers nos parlementaires, à obtenir que nos faits d’armes que nos héros fassent partie de l’histoire de la France. Souvenons-nous du retrait des œuvres d’Aimé Césaire au programme des terminales littéraires sous la pression de lobbies de parents d’élèves qui jugeaient le « Discours sur le colonialisme » violent et incitateur à la haine raciale.
Nous devons exiger par la voie de nos parlementaires que cette introduction d’éléments de l’histoire des civilisations africaines soit maintenue dans les programmes de 5e.
Nous devons faire entendre notre voix et notre exigence que soit prise en compte l’histoire des civilisations amérindiennes, africaines, l’histoire des traites négrières et des sociétés coloniales antillaises dans les programmes français.
C’est cette posture qui fondera le lien social d’une France réelle et multiculturelle, d’une France républicaine fidèle à ses idéaux de partage, d’égalité et d’universalité.
Aller dans le sens du repli frileux et de l’exclusion du roman national donnerait raison aux communautarismes et aux intégrismes de tout bord.
La culture commune à fonder est celle qui rassemble les citoyens français d’aujourd’hui dans toute leur diversité d’origine et leur richesse culturelle.
Elisabeth Landi.