Bondamanjak

Victorin Lurel prend ses distances avec le Colbert du 21 ème siècle

C’est sur son mur Facebook que le sénateur de #Guadeloupe Victorin #Lurel prend ses distances avec le président de la République Emmanuel #Macron, concernant l’avenir de ce qu’on devrait désormais appeler l’archipel de France.

FINANCEMENT DES ASSISES OUTRE-MER : MISE AU POINT
Après une semaine de digestion du Livre Bleu Outre-mer remis au Président de la République, je souhaite effectuer une mise au point sur une propagande, que je n’hésite pas à qualifier de malhonnête, concernant mon prétendu cautionnement de la suppression de l’abattement fiscal voulue par le Gouvernement !

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/164000180.pdf

Voici la mise au point :

« Après une semaine de digestion du Livre Bleu Outre-mer remis au Président de la République, transmis 13 heures (!) après aux parlementaires, je souhaite effectuer une mise au point sur une propagande que je n’hésite pas à qualifier de malhonnête.

Par une litanie de propositions souvent peu ambitieuses ou déjà promises et prévues dans nombre de rapports et de lois – dont la loi Égalité Réelle outre-mer – , le Gouvernement tente de noyer la question du financement des mesures et des plans de convergences ou, du moins, d’en cacher les conséquences directes pour nos compatriotes.

Pour être clair, pour financer la convergence, le Gouvernement propose d’octroyer 280 M€ de plus sur le quinquennat aux outre-mer dans le cadre du Fonds Exceptionnel d’Investissement (FEI) porté à 110 M€ par an.

Ne croyez pas pour autant qu’il s’agisse d’argent frais : il s’agit d’une mesure de recyclage et de la centralisation, aux mains du Gouvernement, d’avantages fiscaux des contribuables ultramarins. Ainsi, il est prévu, comme le précise la page 93 du Livre Bleu, de  » moduler  » le dispositif d’abattement d’impôt sur le revenu dont bénéficient les contribuables domiciliés outre-mer.

Pour faire simple : les plans de convergence – marquant la mise en œuvre d’investissements substantiels de l’État pour chacun de nos territoires – ne seront pas financés par la solidarité nationale mais financés par les contribuables ultramarins eux-mêmes par une suppression des dispositifs fiscaux dont ils bénéficient. Ce tour de passe-passe faisant passer des économies faites sur le dos des ultramarins pour un investissement accru de l’État outre-mer est tout simplement méprisable.

Le comble dans cette affaire est la volonté du Gouvernement de m’ériger en caution. En effet, le Livre Bleu justifie cette mesure en précisant que  » la réforme de cet avantage fiscal s’inscrit dans le respect des recommandations du rapport sur l’Egalité Réelle outre-mer remis au Premier ministre en mars 2016 « . C’est sur ce point que je dénonce l’hypocrisie gouvernementale.

J’invite chacun à reprendre le rapport public et consultable en ligne Égalité Réelle outre-mer publié en 2016 à La Documentation Française. En responsabilité, et je l’assume, qu’ai-je écrit ?

Voici en substance ce qui est écrit page 111 du rapport précité :

 » Dans le but de corriger les inégalités internes tout en permettant un financement des plans de convergence, il pourrait être envisagé de reformer ce dispositif qui ne présente aucune logique redistributive.
Il ne fait que participer à accroitre les écarts de revenus entre les ménages les plus modestes – qui ne payent pas l’impôt sur le revenu – et les ménages les plus aisés, et creuse, de ce fait, le caractère inégalitaire des structures sociales locales.

L’État et les responsables politiques locaux pourraient ainsi, au terme d’au moins deux plans quinquennaux de convergence, envisager de mettre fin progressivement à cette disposition fiscale : l’objectif est qu’il s’éteigne progressivement, avec une baisse, chaque année au cours de cette période quinquennale, de 20 % du taux de la réfaction et, concomitamment, de 20 % du montant du plafond de réduction d’impôt pouvant être généré par foyer fiscal. L’économie générée au bout des cinq ans serait donc de 380 M€.
Selon les simulations réalisées par le ministère de l’Économie et de finances, cette mesure génèrerait une économie de 77 M€ par an.  »

Pour être précis, il est donc vrai que je reste convaincu que le dispositif de réfaction n’obéit à aucune logique sociale et est anti- redistributif : il ne bénéficie qu’aux foyers imposables et son bénéfice est d’autant plus élevé que les revenus sont importants. Personnellement, au vu des revenus tirés de mes fonctions électives, j’en suis l’un des bénéficiaires. Pour autant je considère que ce système ne fait qu’entretenir une inégalité entre les plus aisés – dont je suis – avec les plus pauvres.

Pour être encore plus précis, il est cependant faux de dire, comme le prétend le Livre Bleu, que mes propositions consistaient à supprimer directement cet avantage fiscal. Je répète, en prenant base sur le rapport,  » l’État et les responsables politiques locaux pourraient, au terme d’au moins deux plans quinquennaux de convergence, envisager de mettre fin progressivement à cette disposition fiscale « .

L’essentiel est donc dans la temporalité : j’estime que tant que les investissements substantiels de l’État pour rattraper les retards de développement ou corriger les inégalités entre Outre-mer et France hexagonale, il est illégitime de proposer la suppression du dispositif ou à entamer une réflexion dessus.

Pourquoi demander d’abord aux ultramarins de faire des efforts avant que l’État n’en consente ? C’est totalement injuste. Toute réflexion sur une modulation des dispositifs ne peut être envisagée qu’après au moins 10 ans de politique active de l’État pour nos territoires.

Par ailleurs, je précise tout au long du rapport, que toutes les économies qui pourraient être envisagées par l’État devraient intégralement servir au financement des plans de convergence des territoires ultramarins. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai proposé dans le rapport la  » création d’un compte d’affectation spéciale récipiendaire de recettes de nature fiscales ou non fiscales et des économies budgétaires réalisées « . Au lieu de cela, le Gouvernement nous propose une centralisation jacobine des financements en les transformant en subventions, servies et distribuées par lui aux collectivités selon des critères que nous ignorons à cette heure.

Tout au long de ma carrière politique, j’ai assumé mes actes, mes mots et mes écrits. Je dénonce donc en bloc la manipulation orchestrée par le Gouvernement qui consiste à me faire porter la prétendue responsabilité de leur funeste projet pour les outre-mer.

Je ne serai ni leur épouvantail, ni leur pare-feu, ni leur faire-valoir, ni leur alibi, ni leur punching-ball.

Je demande au Gouvernement d’assumer ses choix politiques sans user de méthodes manifestement détestables consistant déformer grossièrement ce que j’ai pu écrire en responsabilité !

Je suis bienveillant et franc mais loin d’être dupe et manipulable.

Certains diront que je m’épanche voire me victimise mais que ferais-je alors demain si on me fait porter le chapeau de la suppression des sur-rémunérations, de la TVA NPR ou des avantages de TVA ? Tout est dit dans le rapport Égalité Réelle, je n’en retire pas un mot mais souhaite que chacun d’entre eux, longuement sous-pesés, soient interprétés en vérité.

Toute ma vie, j’ai cherché à faire avancer nos pays et nos peuples, à proposer des réformes pour leur émancipation et surtout pour établir une égalité réelle en luttant contre les injustices de toutes formes. La loi Égalité Réelle est une grande œuvre qu’il appartient désormais à l’État et aux collectivités d’appliquer. Les outils existent, il incombe désormais à l’État d’assumer ses responsabilités sans dévoyer une nouvelle fois la belle idée de développement endogène solidaire en faisant payer aux outre-mer le largage budgétaire organisé par l’actuel Gouvernement.