Toutefois, l’actualité de ces dernières années, et même de ces derniers mois, démontre que les scientifiques ne s’avouent pas vaincus en élaborant toujours de nouveaux vaccins thérapeutiques ou préventifs, même si leur concrétisation tarde à venir.
Favoriser la protection des muqueuses
Une nouvelle stratégie innovante vient d’être publiée dans la revue Immunity par une équipe constituée de chercheurs publics (Inserm, CNRS, université Paris Descartes, Institut Cochin) et privés (Mymetics). La nouveauté de la stratégie est de favoriser la synthèse d’anticorps dirigés contre le virus, non pas dans la circulation sanguine, mais dans les tissus qui constituent la porte d’entrée du virus afin d’empêcher le VIH de pénétrer dans l’organisme.
Et dans la contamination par voie sexuelle, l’une des portes d’entrée est la muqueuse vaginale. Des macaques femelles (Macaca mulatta) ont alors été vaccinées par voie intramusculaire et nasale, et leur sensibilité au virus a été testée six mois plus tard. Un nombre élevé (13) d’inoculations du virus par injection vaginale de l’équivalent simien du VIH (le VIS) n’aura permis d’infecter qu’une seule femelle sur les cinq testées, et uniquement de façon transitoire. Aucun des cinq animaux n’est donc devenu séropositif six mois après la dernière inoculation, à l’inverse des six animaux non vaccinés.
Cibler la protéine gp41
Le candidat-vaccin semble donc être plutôt efficace. Une des protéines transmembranaires retrouvées en surface du virus (la protéine gp41), et qui est donc exposée au système immunitaire en cas d’infection, a été utilisée pour la conception du vaccin. Elle est peu variable au sein des différentes souches de virus, et est nécessaire aux étapes d’entrée du virus dans les cellules cibles de la muqueuse et de certaines cellules sanguines (les lymphocytes T).
La protéine gp41, située en surface du virus du Sida, est la cible du vaccin. © Mehau Kulyk, Science Photo Library, Corbis, libre de droits
Le vaccin se présente sous la forme d’un virosome, c’est-à-dire une structure moléculaire qui ressemble fortement au virus. Constitué d’une bicouche lipidique sphérique, comme celle qui forme l’enveloppe externe du virus du Sida, le virosome sert d’ancrage aux protéines gp41, qui prennent alors la même conformation que lorsqu’elles sont ancrées sur le virus. Pour favoriser une action spécifique du système immunitaire en regard de gp41, les autres protéines virales de surface (gp120) n’ont pas été ajoutées au vaccin.
Des anticorps très efficaces
Présenté au système immunitaire, le virosome favorise théoriquement la synthèse de toute une batterie d’anticorps qui reconnaissent la protéine gp41 sous tous les angles. C’est d’ailleurs ce qui a été constaté chez les femelles macaques, qui possèdent bien des anticorps vaginaux de type immunoglobuline A et G (IgA et IgG) dirigés contre le VIH.
Les IgA, spécifiques des muqueuses, inhibent la transcytose du virus, c’est-à-dire son passage de la cavité vaginale vers l’organisme, au travers d’une cellule épithéliale. Les IgG, quant à elles, possèdent une activité neutralisante et permettent aux macrophages de tuer spécifiquement les cellules infectées par le virus (par le mécanisme de cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps), activité dont sont dépourvues les IgG sanguines.
Ces résultats fournissent la preuve que les anticorps sanguins ne sont pas indispensables à une bonne protection contre le VIH, et pourraient mener à l’établissement d’un vaccin destiné aux humains. Morgane Bomsel, premier auteur de l’article, souligne cependant que le vaccin « protège d’une infection vaginale non traumatique, ne reflétant pas nécessairement la réalité », et que des tests sont donc nécessaires pour déterminer son efficacité sur des mâles, et sur d’autres voies d’infection sexuelles (rectum, tractus oro-uro-génital).
Source : Claire Peltier