Bondamanjak

Zéro de conduite

Ne dites plus « les soirées de l’Ambassadeur » mais les foirés de l’Ambassadeur et encore, on reste mesuré. Peut-on parler de maladresse, d’impolitesse, de fatuité, ou de simple bêtise ? Combien d’années d’études faut-il avoir fait et de quelle agrégation en quelle matière faut-il être doté pour comprendre qu’à l’évidence, tout Français s’exprimant au nom de la France, de son Chef de l’Etat ou de son gouvernement, doit se montrer aujourd’hui particulièrement humble et respectueux en Tunisie, après le pataquès diplomatico-financier qui a vu une ministre des Affaires étrangères s’abîmer dans la défense plus qu’hasardeuse d’une conduite privée comme publique ayant heurté une majorité de tunisiens ?

Faut-il être déconnecté de la réalité que l’on est censé embrasser, pour se tromper à ce point ? On pourrait, à l’entendre et à le voir, se dire que Boris Boillon n’est qu’un sale gosse mal élevé et infatué, aussi grossier malgré sa mise impeccable qu’un hôte qui se décrotterait le nez à table. On pourrait ironiser sur le temps passé à entretenir les pectoraux et abdos qu’il arbore fièrement sur son profil Facebook, temps sans doute mieux employé s’il l’avait consacré à feuilleter un manuel de savoir-vivre.

On pourrait s’amuser de tout cela, s’il ne s’agissait de redresser l’image de la France, non seulement en Tunisie, mais dans l’ensemble du monde arabe en ébullition depuis deux mois, non seulement dans le monde arabe, mais sur tout un continent-ex-sujet-colonisé par une France alors au sommet de son influence. C’était il y a un siècle, c’était il y a encore cinquante ans… Non monsieur l’ambassadeur avec un tout petit « a », ce n’est pas qu’aux journalistes, ni même au peuple tunisien que vous devez des excuses, mais à tous les ex-colonisés qui ont sursauté, dressé l’oreille en entendant les notes péremptoires de l’esprit colon revenu, jamais vraiment éteint chez ceux qui, comme vous, se comportent encore dans ces ex-dépendances comme en pays conquis. C’est devant tous les Français d’aujourd’hui que par votre incorrection vous couvrez de honte -comme peut nous faire rougir d’embarras le garnement de la famille- que vous devriez faire acte de contrition. Ces questions, débiles selon vous, posées par une journaliste tunisienne, un journaliste français, sur France Inter, vous les a posées, le même jour.

Et si l’on sentait poindre l’agacement dans vos réponses sur notre antenne, ou plutôt dans vos esquives, il est curieux de constater que vous ne êtes pas laissé allé aux mêmes emportements. Parce qu’on ne traite pas la presse française comme la presse tunisienne ? Présentant publiquement vos pitoyables « excuses », vous avez parlé d’un « bizutage réussi ». Vraiment ? Un auto-bizutage alors ! Peut-être qu’au fond, notre nouvel ambassadeur en Tunisie n’a pas encore réalisé qu’à 41 ans on est en général revenu de l’époque de la fac et des blagues de potaches réservées aux petits nouveaux. Tintin à Tunis, réveille-toi : à 41 ans on n’est plus un gamin ! Dommage. Pour une fois que la France choisissait un homme encore jeune et parait-il compétent, pour la représenter… tu parles d’un fiasco !

 

Audrey Pulvar